Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 octobre 2017, une décision majeure concernant la constitutionnalité de l’article L. 2326-2 du code du travail. Cette disposition législative définit les modalités de composition de la délégation unique du personnel mise en place dans certaines structures. Un syndicat a formé une question prioritaire de constitutionnalité que la Chambre sociale de la Cour de cassation a transmise le 13 juillet 2017. Le litige initial opposait une organisation syndicale à une société commerciale au sujet de l’éligibilité des salariés mis à disposition. Les juges constitutionnels devaient déterminer si l’exclusion de ces travailleurs du droit d’éligibilité portait atteinte aux principes de participation et d’égalité. La décision écarte les griefs en soulignant la nécessité de protéger les informations confidentielles et stratégiques de l’entreprise utilisatrice.
I. L’aménagement du droit de participation des travailleurs intégrés
A. La reconnaissance d’une intégration étroite à la communauté de travail
Le Conseil constitutionnel rappelle que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ». Ce principe, inscrit au huitième alinéa du Préambule de 1946, s’applique à l’ensemble des individus intégrés à la communauté de travail. Les sages précisent que ce droit bénéficie à tous ceux qui sont liés de façon étroite et permanente à l’entreprise. Cette interprétation inclut nécessairement les salariés mis à disposition qui participent quotidiennement à l’activité économique de la structure d’accueil. La jurisprudence constitutionnelle protège ainsi une conception large de la représentation des travailleurs au-delà du seul lien de subordination contractuel. La loi doit garantir les conditions de mise en œuvre de cette participation effective pour tous les membres de la communauté.
B. La protection légitime des intérêts stratégiques de l’entreprise utilisatrice
Le législateur peut toutefois restreindre l’éligibilité des salariés extérieurs pour préserver la confidentialité des informations sensibles de l’entité économique. La délégation unique du personnel exerce effectivement les attributions dévolues au comité d’entreprise dont les membres disposent d’un accès aux données stratégiques. Le Conseil souligne qu’en excluant ces salariés, le législateur a cherché à « éviter que des salariés qui continuent de dépendre d’une autre entreprise puissent avoir accès à certaines informations ». Cette restriction est jugée conforme aux exigences constitutionnelles car elle protège les intérêts légitimes de l’entreprise utilisatrice face à des tiers. Les travailleurs mis à disposition conservent par ailleurs leur droit de vote et d’éligibilité au sein de leur propre entreprise employeuse.
II. La validité constitutionnelle de la distinction entre les régimes d’éligibilité
A. L’existence d’une différence de situation entre les institutions représentatives
Le principe d’égalité devant la loi impose que celle-ci « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le Conseil constitutionnel admet néanmoins que le législateur règle de façon différente des situations qui ne sont pas identiques. Une distinction s’opère ici entre les délégués du personnel et les membres de la délégation unique du personnel. Les premiers n’ont pas accès aux mêmes informations confidentielles que les seconds dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Cette différence de prérogatives justifie alors un régime d’éligibilité distinct sans méconnaître les dispositions de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La nature des missions confiées à la délégation unique modifie substantiellement la situation juridique des représentants élus.
B. La proportionnalité de l’exclusion au regard de l’objectif législatif
La différence de traitement instaurée par le code du travail repose sur un motif en rapport direct avec l’objet de la loi. L’objectif consiste à assurer la sécurité économique de l’entreprise utilisatrice tout en maintenant une représentation cohérente des travailleurs. Le Conseil estime que l’exclusion de l’éligibilité ne constitue pas une atteinte disproportionnée au regard des finalités poursuivies par le législateur. Cette solution confirme la possibilité de limiter certains droits politiques dans l’entreprise pour des impératifs de protection des secrets industriels. L’article contesté est donc déclaré conforme à la Constitution puisqu’il ne méconnaît aucun autre droit ou liberté garantis par le bloc de constitutionnalité. Cette décision stabilise le régime juridique de la représentation du personnel dans les entreprises recourant à la mise à disposition.