Conseil constitutionnel, Décision n° 2017-680 QPC du 8 décembre 2017

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 8 décembre 2017, a examiné la validité du lien de subordination unissant les magistrats du parquet au pouvoir exécutif. Un syndicat de magistrats contestait les termes de l’ordonnance du 22 décembre 1958 soumettant les membres du ministère public à l’autorité du garde des sceaux. Le requérant invoquait une atteinte au principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et à la séparation des pouvoirs garantis par les textes constitutionnels. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État le 27 septembre 2017, le juge devait apprécier la conformité de ce statut. La question posée consistait à déterminer si la subordination hiérarchique des procureurs au ministre de la justice méconnaissait les garanties d’indépendance propres à l’autorité judiciaire. Le Conseil a jugé les dispositions conformes, affirmant que l’indépendance des procureurs doit se concilier avec les prérogatives gouvernementales de conduite de la politique pénale. L’analyse se portera d’abord sur la consécration d’une indépendance fonctionnelle encadrée (I), puis sur la validité d’une subordination hiérarchique équilibrée (II).

I. La consécration d’une indépendance fonctionnelle encadrée

A. L’unité de l’autorité judiciaire réaffirmée

Le juge constitutionnel rappelle d’emblée que les magistrats du parquet appartiennent pleinement à l’autorité judiciaire, bénéficiant ainsi d’une protection constitutionnelle spécifique. Cette appartenance commune avec les magistrats du siège implique la reconnaissance d’un principe d’indépendance qui s’applique à l’ensemble du corps judiciaire français. La décision précise qu’il « découle de l’indépendance de l’autorité judiciaire un principe selon lequel le ministère public exerce librement son action devant les juridictions ». Cette liberté d’action vise à assurer la protection des intérêts de la société tout en respectant l’impartialité nécessaire à l’exercice de la justice pénale. L’unité de la magistrature est donc préservée malgré la distinction fonctionnelle opérée entre les magistrats chargés de juger et ceux chargés de poursuivre.

B. La dualité constitutionnelle des statuts

L’indépendance reconnue aux procureurs ne saurait toutefois être assimilée à celle des magistrats du siège, dont les garanties constitutionnelles demeurent plus élevées. Le Conseil constitutionnel souligne que cette indépendance « n’est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège ». L’inamovibilité, pilier de la protection des juges, reste une prérogative exclusive de ces derniers selon le quatrième alinéa de l’article 64 de la Constitution. La procédure de nomination et les sanctions disciplinaires diffèrent également, le Conseil supérieur de la magistrature ne rendant que des avis pour le parquet. Cette distinction textuelle permet de justifier un régime juridique propre aux membres du ministère public sans pour autant nier leur statut de magistrats. Cette reconnaissance d’une indépendance limitée justifie alors l’examen des pouvoirs hiérarchiques conservés par le garde des sceaux.

II. La validité d’une subordination hiérarchique équilibrée

A. La direction de la politique pénale par l’exécutif

La subordination des procureurs trouve son fondement constitutionnel dans l’article 20, qui confie au Gouvernement la mission de déterminer et de conduire la politique nationale. Le ministère public doit ainsi mettre en œuvre les instructions générales de politique pénale afin d’assurer l’égalité des citoyens devant la loi sur le territoire. Le Conseil estime que l’autorité du ministre de la justice permet d’harmoniser l’action publique tout en préservant le rôle central de l’autorité judiciaire. Cette architecture administrative garantit que le pouvoir exécutif assume sa responsabilité politique dans la lutte contre la délinquance et le maintien de l’ordre public. La décision valide donc la place du parquet sous l’autorité du garde des sceaux comme un instrument nécessaire à l’exercice des prérogatives gouvernementales.

B. L’existence de garanties protectrices fondamentales

La constitutionnalité de cette subordination repose sur des limites strictes interdisant toute immixtion du pouvoir politique dans le cours des procédures judiciaires individuelles. La loi organique proscrit désormais les instructions ministérielles dans des affaires particulières, protégeant ainsi le libre arbitre des procureurs lors de l’engagement des poursuites. Les magistrats du parquet bénéficient en outre d’une liberté de parole à l’audience, car le texte prévoit que, devant les juridictions, « leur parole est libre ». Ces garde-fous législatifs et constitutionnels empêchent que l’autorité hiérarchique ne se transforme en un pouvoir de coercition arbitraire au détriment des libertés individuelles. Le Conseil conclut ainsi à une conciliation équilibrée entre les exigences de l’indépendance judiciaire et les nécessités de l’action de l’État.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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