Conseil constitutionnel, Décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 16 mars 2017, une décision importante relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse par voie électronique. Le législateur souhaitait alors sanctionner la diffusion d’allégations de nature à induire intentionnellement en erreur les femmes sur les conséquences de cet acte médical. Des députés et des sénateurs ont saisi la haute juridiction afin de contester la constitutionnalité de cette mesure attentatoire à la liberté d’expression. Les requérants soutenaient que les nouvelles dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité de la loi. La question posée aux juges consistait à déterminer si la répression de la désinformation en ligne portait une atteinte disproportionnée à la libre communication des pensées. Le Conseil a déclaré le texte conforme sous deux réserves d’interprétation destinées à garantir l’exercice effectif des libertés fondamentales. Cette décision valide la volonté du législateur de protéger les femmes tout en encadrant strictement les conditions de la répression pénale.

**I. La validation du cadre législatif face aux exigences de clarté et de proportionnalité**

**A. Le respect des principes de légalité et d’intelligibilité de la loi pénale**

Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord que le législateur doit définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs pour exclure tout arbitraire. Il souligne que « les dispositions contestées sont suffisamment claires et précises pour que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines ». Les juges estiment que la loi définit précisément les moyens de commettre l’infraction par des pressions morales, des menaces ou des actes d’intimidation. Cette précision textuelle permet aux citoyens de connaître l’étendue de l’interdiction et garantit ainsi la sécurité juridique nécessaire à l’application de la sanction. Le juge écarte donc le grief tiré de l’imprécision du texte car l’élément matériel du délit repose sur des comportements déjà identifiés par le droit.

**B. La légitimité de la répression au regard de la protection de la liberté des femmes**

L’objectif poursuivi par la loi est de garantir la liberté de la femme qui découle directement de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Le juge constitutionnel considère que « les peines de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende retenues par le législateur ne sont pas manifestement disproportionnées ». Cette sévérité se justifie par la nécessité de prévenir les atteintes portées au droit de recourir à une interruption volontaire de grossesse. La protection de la santé et de l’autonomie des femmes constitue une fin légitime permettant de limiter certains abus de la liberté d’expression. Le législateur a ainsi exercé sa compétence pour concilier des droits constitutionnels concurrents sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation quant à la peine.

**II. La protection de la liberté d’expression par l’usage de réserves d’interprétation**

**A. L’exclusion de la diffusion d’informations générales du champ de la répression**

Le Conseil constitutionnel précise que la seule diffusion d’informations à destination d’un public indéterminé sur un site internet ne saurait constituer une pression. Il affirme que la loi « ne peut donc permettre que la répression d’actes ayant pour but d’empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s’informer ». Cette première réserve d’interprétation protège la diffusion d’opinions générales même si celles-ci s’opposent fermement à la pratique de l’interruption volontaire de grossesse. Le juge interdit ainsi une censure globale de l’internet qui transformerait le délit d’entrave en un délit d’opinion généralisé et contraire à la démocratie. La répression doit se concentrer sur des agissements concrets visant des individus identifiés et sollicitant une aide spécifique pour leur parcours médical.

**B. L’exigence de critères de compétence et de contenu pour caractériser l’entrave**

La seconde réserve impose que l’information délivrée porte sur les conditions de pratique de l’acte ou sur ses conséquences médicales réelles et objectives. Le juge ajoute que cette information doit être « donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière ». Ces critères cumulatifs empêchent de sanctionner de simples échanges entre particuliers ou des discussions d’ordre purement moral ou religieux sur le sujet. La loi ne réprime donc que les faux conseils médicaux destinés à tromper la vigilance des femmes par une autorité indue ou usurpée. Par ce double verrou, le Conseil constitutionnel assure que la liberté d’expression demeure la règle tandis que la sanction de l’abus reste l’exception.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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