Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, s’est prononcé sur la conformité de la loi pour la confiance dans la vie politique. Saisi par plus de soixante députés, le juge constitutionnel devait examiner diverses mesures destinées à renforcer la probité des responsables publics nationaux. Les griefs portaient principalement sur l’institution d’une peine d’inéligibilité obligatoire et sur l’interdiction du recrutement de membres de la famille. Le litige soulevait la difficulté de concilier l’objectif de moralisation publique avec les principes d’individualisation des peines et de séparation des pouvoirs. Le juge constitutionnel admet la validité des mesures de transparence tout en sanctionnant les mécanismes portant une atteinte excessive aux libertés fondamentales. Cette décision permet d’étudier d’abord le renforcement des contraintes liées à l’exercice des mandats publics avant d’analyser les limites posées au nom des équilibres institutionnels.
I. La consécration de nouveaux impératifs de probité et d’exemplarité publiques
A. L’encadrement constitutionnel de la peine d’inéligibilité obligatoire
L’article premier de la loi institue une peine d’inéligibilité obligatoire pour les auteurs de crimes ou de certains délits d’une particulière gravité. Le législateur a entendu « renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants ». Le Conseil constitutionnel juge cette mesure conforme au principe d’individualisation des peines car le juge peut l’écarter par une décision spécialement motivée. Il précise néanmoins que cette peine ne saurait entraîner « de plein droit l’interdiction ou l’incapacité d’exercer une fonction publique » pour tous les délits. Une telle automaticité méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines résultant de l’article 8 de la Déclaration de 1789. La liberté d’expression bénéficie également d’une protection spécifique concernant les délits de presse visés par le texte législatif. L’inéligibilité obligatoire pour ces infractions constitue une « atteinte disproportionnée » à la libre communication des pensées dans le débat démocratique.
B. La validité de l’interdiction des emplois familiaux dans la sphère politique
La loi prohibe désormais le recrutement de membres de la famille proche au sein des cabinets ministériels, territoriaux et parlementaires. Les requérants invoquaient une rupture d’égalité ainsi qu’une atteinte à la liberté contractuelle et au droit d’obtenir un emploi. Le Conseil estime que la différence de traitement repose sur des « critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l’objet de la loi ». Le but d’intérêt général consiste à limiter les risques de népotisme et à accroître la confiance des citoyens dans l’action publique. Cette mesure ne prive pas les autorités de leur autonomie car l’interdiction ne porte que sur un nombre limité de personnes. L’interdiction est jugée nécessaire pour prévenir les situations de conflits d’intérêts découlant de l’emploi de proches sur des fonds publics. La régulation de ces activités professionnelles s’inscrit ainsi dans une volonté de transparence accrue des institutions républicaines.
II. La protection vigilante des équilibres institutionnels et des libertés fondamentales
A. La censure des prérogatives d’investigation attentatoires à la vie privée
L’article 9 de la loi accordait à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique un droit de communication très étendu. Cette autorité pouvait solliciter directement des données de connexion auprès des opérateurs de télécommunications pour accomplir ses missions de contrôle. Le Conseil constitutionnel rappelle que la collecte de données à caractère personnel doit être « adéquate et proportionnée à l’objectif poursuivi ». La procédure contestée ne comportait pas de garanties suffisantes pour protéger le droit au respect de la vie privée des personnes contrôlées. Le législateur a ainsi porté une atteinte excessive à cette liberté constitutionnellement garantie par l’article 2 de la Déclaration de 1789. Cette censure illustre la volonté du juge de limiter la puissance des autorités administratives indépendantes face au secret des correspondances. La recherche de probité ne saurait justifier des moyens d’investigation intrusifs dénués de tout encadrement judiciaire ou procédural rigoureux.
B. Le rappel strict de la séparation des pouvoirs face aux injonctions administratives
Le Conseil constitutionnel censure les dispositions permettant à une autorité administrative d’adresser des injonctions aux membres du Gouvernement ou aux autorités territoriales. Le conflit d’intérêts né d’un lien familial oblige le destinataire à démissionner ou à rompre le contrat de son collaborateur. En confiant ce pouvoir d’injonction à la Haute autorité, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs. Le juge constitutionnel considère que ce mécanisme interfère indûment avec les prérogatives du pouvoir exécutif et la libre administration des collectivités. L’article 23 imposant au Premier ministre de prendre un décret pour encadrer ses propres frais de représentation subit le même sort. Cette obligation législative constitue une intrusion inconstitutionnelle dans le domaine réglementaire et le fonctionnement interne du Gouvernement. La séparation des pouvoirs demeure un rempart contre la volonté parlementaire de régir exhaustivement l’organisation administrative et politique de la Nation.