Par sa décision numéro 2017-759 DC du 28 décembre 2017, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la seconde loi de finances rectificative.
Plus de soixante députés contestaient tant la régularité de la procédure d’adoption que le fond de plusieurs mesures relatives à la mise en œuvre du prélèvement à la source.
Le litige portait notamment sur l’introduction massive d’amendements gouvernementaux et sur l’éventuelle atteinte aux situations légalement acquises des contribuables épargnant pour leur retraite.
Les juges devaient déterminer si l’exercice du droit d’amendement était restreint par l’exigence d’une évaluation préalable et si le domaine des lois de finances était respecté.
Le Conseil a validé la procédure et les mesures fiscales de fond, mais a censuré deux articles considérés comme des cavaliers budgétaires étrangers aux finances publiques.
I. La consécration d’une procédure législative souple et de la mutabilité des règles fiscales
A. L’affirmation de la plénitude du droit d’amendement en première lecture
Les députés requérants soutenaient que le dépôt tardif d’amendements substantiels par le Gouvernement portait atteinte à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire.
Le juge constitutionnel rappelle pourtant que le droit d’amendement doit pouvoir « s’exercer pleinement au cours de la première lecture » par chacune des deux assemblées.
Il écarte l’exigence d’une évaluation préalable pour les amendements, celle-ci n’étant imposée que pour les projets de loi initiaux avant leur dépôt sur le bureau.
Cette solution consacre la primauté de l’article quarante-quatre de la Constitution sur les contraintes organiques, préservant ainsi la réactivité de l’initiative législative gouvernementale.
B. La préservation de la liberté du législateur face aux situations futures
Les requérants dénonçaient également le mécanisme de déduction des cotisations versées aux régimes d’épargne retraite pour la détermination des revenus imposables de l’année 2019.
Ils invoquaient une violation de l’article seize de la Déclaration de 1789, au motif que ces dispositions porteraient atteinte à des situations légalement acquises.
Le Conseil rejette ce grief en précisant que les mesures contestées « ne s’attachent qu’à des situations qui seront constituées en 2018 et 2019 ».
Le législateur peut modifier des textes antérieurs sans priver de garanties légales, tant qu’il ne porte pas atteinte, « sans motif d’intérêt général suffisant », aux situations acquises.
II. La rigueur du contrôle de la régularité du domaine et de la recevabilité
A. Le strict encadrement de la contestation des lois déjà promulguées
Le recours visait aussi certaines dispositions d’une loi promulguée en 2016, relatives au crédit d’impôt modernisation du recouvrement et aux charges déductibles de l’assiette.
Une loi déjà promulguée peut être contestée si la nouvelle loi la modifie, la complète ou affecte son domaine, selon une jurisprudence constante du Conseil.
En l’espèce, les juges estiment que l’article onze de la loi déférée ne modifie pas les dispositions du paragraphe deux de l’article soixante de la loi précédente.
Faute de modification substantielle de la norme initiale, la conformité de celle-ci ne pouvait être utilement contestée lors de cet examen de constitutionnalité a priori.
B. L’épuration systématique des dispositions étrangères aux lois de finances
Enfin, le Conseil a examiné d’office la place de certains articles autorisant la publication d’informations fiscales ou l’accès aux données relatives aux valeurs foncières.
Il considère que ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la dette, ni la comptabilité de l’État, ni l’information budgétaire du Parlement.
Elles constituent donc des cavaliers budgétaires car elles « ne trouvent pas leur place dans une loi de finances » au sens de la loi organique relative.
Cette censure automatique protège la cohérence de l’instrument budgétaire en excluant toute mesure dépourvue d’incidence réelle sur l’équilibre financier ou la gestion publique.