Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 7 septembre 2018, s’est prononcé sur la conformité de l’article L. 1235-11 du code du travail aux droits et libertés constitutionnels. Cette question prioritaire de constitutionnalité fut soulevée par une société contestant les modalités de l’indemnisation minimale accordée au salarié en cas de licenciement économique nul.

Le litige initial opposait un employeur à un salarié dont le licenciement fut prononcé dans le cadre d’une procédure collective dépourvue de validation administrative régulière. La société requérante prétendait que l’imprécision du texte législatif portait atteinte à la liberté d’entreprendre ainsi qu’à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Elle critiquait également le montant plancher de l’indemnité, fixé à douze mois de salaire, y voyant une sanction punitive manifestement disproportionnée au préjudice subi.

La procédure suivit son cours devant les juridictions de l’ordre judiciaire avant que la question ne soit transmise aux juges de la rue de Montpensier par la Cour de cassation. Les prétentions de la requérante reposaient sur une lecture croisée des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail, dénonçant une incertitude juridique préjudiciable. Le Conseil devait ainsi déterminer si le versement obligatoire d’une indemnité minimale de douze mois de salaire méconnaissait le droit de propriété et les principes de nécessité des peines.

Les sages ont rejeté l’ensemble des griefs en déclarant les dispositions contestées conformes à la Constitution, précisant que cette indemnité constitue une simple réparation par équivalent. La décision souligne que le législateur a suffisamment défini la portée des mesures applicables, tant en cas de nullité de la procédure que du licenciement lui-même.

I. L’explicitation du régime de réparation de la nullité du licenciement collectif

A. L’unification sémantique des cas de nullité de la procédure de licenciement

La société requérante déplorait une confusion entre la nullité de la procédure de licenciement économique et la nullité du licenciement lui-même au sens de l’article susvisé. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en s’appuyant sur les travaux préparatoires de la loi du 14 juin 2013 pour clarifier l’intention réelle du législateur national. Il estime que les autorités compétentes ont entendu « attacher les mêmes conséquences au défaut de respect des dispositions relatives au plan de sauvegarde de l’emploi » dans les deux hypothèses.

Cette interprétation globale permet d’écarter toute méconnaissance de l’étendue de la compétence législative puisque la portée de la norme devient ainsi parfaitement prévisible pour l’employeur. Le juge constitutionnel rappelle que « le législateur a suffisamment défini la portée des dispositions contestées » du premier alinéa de l’article L. 1235-11 du code du travail. Cette précision technique renforce la sécurité juridique des entreprises tout en garantissant une application uniforme des sanctions civiles liées à l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi.

B. La qualification compensatoire de l’indemnité minimale de douze mois

La nature juridique de la somme versée au salarié demeure au cœur des débats, la requérante invoquant les principes répressifs de nécessité et d’individualisation des peines. Le Conseil constitutionnel rejette cette qualification pénale en affirmant que l’indemnité « vise à assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié » du fait de l’illicéité. Cette somme se substitue à la réintégration physique lorsque celle-ci s’avère impossible ou n’est pas expressément demandée par le travailleur dont le contrat fut rompu.

Dès lors que la mesure présente un caractère indemnitaire, les griefs tirés de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen deviennent inopérants. La décision précise que cette indemnité « constitue ainsi une réparation par équivalent lorsqu’une réparation en nature n’est pas possible » au regard des circonstances factuelles. L’exclusion du registre répressif permet de valider le caractère automatique du plancher indemnitaire sans exiger une modulation proportionnelle à la faute commise par l’entreprise.

II. La validation de la rigueur de l’indemnisation au regard des libertés économiques

A. La proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété de l’employeur

Le droit de propriété de l’employeur se trouve nécessairement affecté par l’obligation de verser une somme correspondant au minimum à une année entière de rémunération brute. Toutefois, le Conseil considère que le législateur peut apporter des limitations à ce droit s’il existe des exigences constitutionnelles ou un motif impérieux d’intérêt général. La protection des salariés victimes d’un licenciement économique massif opéré sans les garanties procédurales requises justifie une telle rigueur financière imposée aux sociétés défaillantes.

Le juge ne relève aucune atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, car l’indemnité sanctionne la méconnaissance d’obligations sociales fondamentales pour la stabilité de l’emploi. Il appartient au législateur de fixer les conditions d’exercice de la liberté d’entreprendre tout en veillant au respect des droits fondamentaux des travailleurs dans l’entreprise. Cette solution consacre la primauté de l’objectif de réparation du dommage social sur la pure logique comptable ou patrimoniale de l’employeur ayant méconnu ses devoirs.

B. Le maintien de l’égalité devant la loi par l’unité de la sanction

La requérante invoquait une rupture d’égalité car la loi traite de manière identique des situations de gravité différente, telles que l’absence totale de plan ou l’insuffisance technique. Le Conseil rappelle toutefois que le principe d’égalité n’oblige pas le législateur à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations distinctes par nature. En prévoyant les mêmes conséquences indemnitaires pour tous les cas de nullité, le législateur « n’ayant ainsi institué aucune différence de traitement » respecte la norme constitutionnelle.

L’unité de la sanction garantit une lisibilité maximale pour l’ensemble des acteurs du monde du travail sans introduire de complexité excessive dans le calcul des dommages. Cette décision confirme ainsi la validité d’un dispositif protecteur dont la sévérité financière est jugée nécessaire pour dissuader les manquements aux procédures de reclassement collectif. Le Conseil constitutionnel conclut logiquement à la conformité totale de l’article L. 1235-11, clôturant ainsi le débat sur la légitimité du plancher de douze mois de salaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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