Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-736 QPC du 5 octobre 2018

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 5 octobre 2018, s’est prononcé sur la conformité de sanctions administratives au principe de proportionnalité des peines. Une société redevable de la contribution sociale de solidarité a fait l’objet d’une demande de renseignements restée infructueuse dans le délai légal imparti. L’organisme chargé du recouvrement a alors appliqué une majoration de cinq pour cent sur le montant total des sommes dues par la redevable.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt numéro mille cent trente-cinq du 5 juillet 2018, a saisi le Conseil. La société requérante soutenait que cette sanction était sans rapport avec le manquement réprimé car elle s’applique même en l’absence de rappel de contribution. Elle prétendait que cette peine proportionnelle non plafonnée méconnaissait les exigences de l’article huit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le Conseil devait déterminer si une majoration calculée sur l’assiette de la contribution respecte le principe de proportionnalité malgré l’absence d’un préjudice financier direct. La juridiction constitutionnelle déclare la disposition conforme en soulignant la finalité de la mesure et l’existence d’un pouvoir de modulation par le juge. L’efficacité du contrôle social justifie la création de cette sanction dont la proportionnalité demeure toutefois strictement encadrée par le droit positif.

I. La légitimation d’une sanction au service de l’efficacité du contrôle social

A. La poursuite de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale

Le législateur impose aux sociétés redevables de la contribution sociale de solidarité une obligation de communication de documents dans un délai de soixante jours. Cette obligation permet à l’organisme de recouvrement de vérifier l’exactitude des bases de l’imposition par un examen attentif des pièces comptables fournies. Le défaut de réponse ou une transmission insuffisante entrave directement l’exercice de cette mission de contrôle nécessaire au financement de la protection sociale.

En validant la sanction, le Conseil rappelle que le législateur a poursuivi « l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ». La majoration vise ainsi à contraindre les opérateurs économiques à une transparence totale afin d’assurer l’égalité devant les charges publiques de la Nation. Cette finalité d’intérêt général permet de restreindre la liberté des entreprises par l’instauration d’une contrainte pécuniaire dissuasive contre l’inertie administrative.

B. La corrélation entre la nature de l’infraction et l’assiette de la peine

La société requérante critiquait l’application d’une sanction proportionnelle au montant total des sommes dues, même en l’absence de redressement ou de rappel d’imposition. Elle estimait que l’assiette de la peine, fondée sur la contribution annuelle, créait une déconnexion manifeste avec la gravité réelle du simple retard. Le Conseil écarte ce grief en considérant qu’en « punissant d’une majoration de la contribution due au titre de l’année le manquement à des obligations ».

Il juge que la nature de la peine est étroitement liée à celle de l’infraction commise lors de la phase essentielle de l’établissement déclaratif. La sanction ne réprime pas seulement un préjudice financier immédiat mais assure la protection des procédures de contrôle contre toute forme de dissimulation. La légitimité de la majoration étant établie par sa finalité, il convient d’analyser les modalités de son application concrète au regard du droit.

II. Un encadrement rigoureux de la proportionnalité de la peine administrative

A. L’absence de disproportion manifeste de la majoration légale

Le Conseil constitutionnel doit s’assurer, conformément à la Déclaration de 1789, de « l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ». Il dispose pour cela d’un pouvoir de contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation commise par le législateur dans la fixation du tarif punitif. Le taux de cinq pour cent retenu par la loi apparaît raisonnable au regard des enjeux financiers liés au recouvrement des cotisations sociales obligatoires.

Cette majoration ne constitue pas une sanction manifestement excessive dès lors qu’elle vise à assurer la célérité et la sincérité des échanges avec l’administration. Le juge constitutionnel estime que le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre la nécessité de réprimer l’entrave au contrôle et la protection des administrés. La sévérité de la règle demeure acceptable car elle n’entraîne pas une charge financière manifestement hors de proportion avec la gravité du manquement constaté.

B. La garantie d’une modulation effective sous contrôle juridictionnel

La conformité de la disposition repose sur le caractère non automatique et modulable du montant de la majoration appliquée par l’organisme chargé du recouvrement. Le texte prévoit en effet une limite maximale de cinq pour cent, ce qui autorise l’administration à adapter la sanction selon les circonstances de l’espèce. Cette modulation s’effectue « sous le contrôle du juge », garantissant ainsi au justiciable une protection efficace contre toute décision administrative qui serait arbitraire.

Le juge judiciaire peut vérifier si la gravité du retard ou l’importance des documents omis justifie réellement le quantum de la peine finale prononcée. Cette intervention juridictionnelle permet de corriger les éventuels excès et assure que la sanction reste strictement nécessaire au respect des obligations déclaratives de l’entreprise. La présence d’un recours effectif et d’une marge d’appréciation pour l’administration constitue ainsi le rempart ultime contre une application rigide de la loi.

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Hassan KOHEN
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