Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-753 QPC du 14 décembre 2018

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 14 décembre 2018, une décision n° 2018-753 QPC relative à la constitutionnalité du régime fiscal de la résidence alternée. Cette affaire concerne la seconde phrase du cinquième alinéa du paragraphe I de l’article 194 du code général des impôts. Un contribuable contestait l’impossibilité de prouver la charge principale d’un enfant par le versement d’une pension alimentaire en cas de garde partagée. Saisi par le Conseil d’État le 1er octobre 2018, le juge constitutionnel devait examiner la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis. Le requérant soutenait que cette règle créait une différence de traitement injustifiée entre les parents contribuant aux besoins de l’enfant sous diverses formes. La question centrale résidait dans l’éventuelle méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques issus de la Déclaration de 1789. Les juges constitutionnels ont rejeté ces griefs en affirmant que les modalités retenues par le législateur ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé.

I. L’exclusion de la pension alimentaire comme preuve de la charge principale

A. Une présomption de charge égale justifiée par la résidence alternée

Le code général des impôts pose le principe que l’enfant en résidence alternée est « réputé être à la charge égale de l’un et l’autre parent ». Cette disposition entraîne mécaniquement le partage de la majoration du quotient familial entre les deux foyers fiscaux des parents séparés ou divorcés. Le législateur présume que les parents s’acquittent à parts égales des dépenses liées à l’entretien courant de l’enfant mineur lors de sa présence. Cette règle de principe cherche à simplifier la gestion administrative de l’impôt sur le revenu tout en reflétant la réalité de l’organisation familiale. La loi autorise cependant le renversement de cette présomption si l’un des parents justifie assumer seul la charge principale des besoins de l’enfant.

B. Le refus de qualifier la pension alimentaire de charge d’entretien directe

Le Conseil constitutionnel précise que la preuve de la charge principale « ne peut résulter du versement d’une pension alimentaire » selon l’interprétation constante du droit. Cette exclusion repose sur la distinction fondamentale entre le paiement d’une contribution pécuniaire et l’assomption directe des dépenses nécessaires à l’entretien de l’enfant. La pension alimentaire a pour objet exclusif d’équilibrer les contributions respectives des parents en fonction de leurs ressources et des besoins du mineur. Elle opère un transfert de revenus permettant au parent bénéficiaire de faire face aux charges qui lui incombent personnellement durant sa période d’accueil. Par conséquent, le versement de cette somme ne démontre pas que le débiteur supporte effectivement la plus grande part des dépenses concrètes du quotidien.

II. La préservation de l’égalité devant les charges publiques

A. L’absence de rupture caractérisée de l’égalité fiscale

Le juge constitutionnel souligne que le parent versant une pension bénéficie « en tout état de cause de la moitié de la majoration de quotient familial ». Cette mesure garantit que chaque parent voit ses facultés contributives prises en compte malgré l’impossibilité de déduire la pension de son revenu imposable. Le principe d’égalité n’impose pas au législateur de traiter de manière identique des situations de participation financière de nature juridique et fiscale différente. Les dispositions contestées n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques au sens de l’article 13 de la Déclaration de 1789. La loi fiscale se borne ici à fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l’objet de l’imposition.

B. Une solution garantissant la cohérence du régime du quotient familial

La décision confirme que la présomption de charge égale peut être écartée sur le fondement de dépenses autres que celles résultant de la pension. Les parents conservent la liberté de fixer une répartition différente du quotient familial par une convention de divorce homologuée ou par un accord judiciaire. Cette souplesse permet d’ajuster le bénéfice fiscal à la réalité des engagements financiers souscrits par les parties pour l’éducation de leurs enfants mineurs. Le Conseil constitutionnel valide ainsi un dispositif qui concilie la simplicité de la présomption légale avec la protection des droits individuels des contribuables. Cette jurisprudence assure la stabilité du régime fiscal des familles désunies en refusant de transformer la pension alimentaire en un outil de modulation unilatérale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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