Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, s’est prononcé sur la loi ratifiant les ordonnances du 15 septembre 2017. Plus de soixante députés ont saisi l’instance pour contester la constitutionnalité de nombreuses dispositions réformant le dialogue social et le droit du licenciement. Les requérants soutenaient notamment que ces textes méconnaissaient le principe de participation des travailleurs et la liberté syndicale protégés par le préambule de 1946. La procédure parlementaire a conduit à l’examen de griefs variés allant de la négociation directe avec les salariés au plafonnement des indemnités de licenciement. La question posée aux juges portait sur la conciliation entre la liberté d’entreprendre et les droits sociaux garantis par la Constitution. Le Conseil a validé l’essentiel de la réforme tout en censurant des cavaliers législatifs et certaines entraves excessives à la représentation des salariés.

**I. L’aménagement du dialogue social et de la négociation collective**

**A. La validation du contournement partiel du monopole syndical**

Le législateur a autorisé la consultation directe des salariés dans les très petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux pour valider des accords collectifs. Les requérants dénonçaient une atteinte à la liberté syndicale en raison de l’absence de négociation préalable avec des représentants élus du personnel. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en rappelant que le préambule de 1946 n’attribue pas aux syndicats « un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective ». La décision souligne que le projet d’accord doit être communiqué quinze jours avant le vote pour garantir un consentement libre et éclairé. La validation de ce dispositif repose sur la nécessité de développer la négociation collective là où la représentation syndicale fait structurellement défaut.

**B. L’articulation renouvelée des normes conventionnelles**

La loi prévoit désormais la prévalence de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche dans la majorité des thèmes liés aux conditions de travail. Les députés critiquaient cette inversion de la hiérarchie des normes au nom du droit au maintien des contrats légalement conclus et de la liberté contractuelle. Le Conseil répond qu’il appartient au législateur d’apporter des limitations à cette liberté pour un motif d’intérêt général suffisant et proportionné. Il juge que garantir la sécurité juridique en évitant la coexistence de règles différentes justifie l’application immédiate des nouveaux rapports de force. La notion de « garanties équivalentes » est jugée suffisamment intelligible pour permettre aux partenaires sociaux de déterminer précisément l’articulation de leurs engagements respectifs.

**II. L’encadrement de la rupture et des garanties des travailleurs**

**A. La constitutionnalité du plafonnement des indemnités prud’homales**

L’instauration d’un barème obligatoire limitant les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse constituait un point de tension juridique majeur. Les requérants invoquaient une atteinte disproportionnée au droit de réparation intégrale du préjudice subi par le salarié illégalement évincé de son emploi. Les juges considèrent pourtant que renforcer la prévisibilité des conséquences de la rupture du contrat de travail poursuit un objectif d’intérêt général légitime. La décision précise que ces montants minimaux et maximaux ont été déterminés par le législateur en fonction des « moyennes constatées » par les juridictions. Les plafonds ne s’appliquent pas en cas de violation des libertés fondamentales, ce qui préserve le pouvoir d’appréciation du juge face aux fautes les plus graves.

**B. La sanction des atteintes disproportionnées au principe de participation**

Le Conseil censure toutefois le dispositif dispensant l’employeur d’organiser des élections partielles en cas d’annulation de scrutins pour non-respect de la parité. Il estime que cette mesure pourrait laisser des sièges vacants pendant quatre ans et affecter durablement le « fonctionnement normal du comité social et économique ». Une telle entrave est jugée « manifestement disproportionnée » au regard du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Enfin, quatre articles sont déclarés contraires à la Constitution car ils ne présentaient aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initialement déposé. Cette rigueur procédurale rappelle l’importance de la clarté des débats parlementaires lors de l’adoption de réformes sociales touchant aux équilibres fondamentaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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