La juridiction constitutionnelle, par sa décision n° 2018-767 DC du 5 juillet 2018, se prononce sur une résolution relative aux obligations déontologiques des parlementaires. Cette décision examine la conformité de nouvelles règles internes visant à renforcer la transparence de l’exercice du mandat législatif face aux exigences constitutionnelles de liberté. Le président de l’assemblée parlementaire saisit le juge le 8 juin 2018 afin de contrôler la validité de ces dispositions modifiant le règlement de la chambre. La question centrale repose sur l’équilibre entre la moralisation de la vie publique et l’indépendance constitutionnelle dont jouissent les élus dans leurs fonctions. Le juge valide l’essentiel de la résolution tout en posant des réserves d’interprétation strictes concernant le vote par délégation et le respect de la laïcité. L’analyse portera d’abord sur l’encadrement des obligations du mandat parlementaire avant d’étudier les modalités de prévention des conflits d’intérêts au sein de l’institution.
I. L’encadrement des obligations du mandat parlementaire sous réserves de liberté
A. La sanction de l’absentéisme et la protection du suffrage délégué
Le règlement de l’assemblée instaure une retenue financière en cas d’absence prolongée du parlementaire aux travaux des commissions et aux séances de questions. Cette mesure d’assiduité vise à garantir l’exercice effectif de la représentation nationale tout en limitant les dérives liées au désintérêt pour l’activité législative. Le juge précise toutefois qu’ « un sénateur votant par délégation ne saurait être regardé comme absent lors d’un vote » pour le calcul de cette retenue. La sauvegarde de cette faculté de vote protège la souveraineté nationale contre une interprétation trop rigoureuse des contraintes de présence physique imposées aux élus. Cette conciliation préserve l’efficacité du mandat tout en respectant les dispositions de l’ordonnance de 1958 relative à la délégation du droit de vote parlementaire.
B. L’affirmation de principes déontologiques limitée par la liberté d’opinion
La résolution impose aux élus d’exercer leurs fonctions dans le respect du principe de laïcité, de dignité, de probité et d’intégrité pour l’intérêt général. L’introduction de la laïcité dans le règlement intérieur d’une assemblée constitue une innovation dont les contours juridiques doivent rester strictement définis par le juge. Le Conseil affirme à cet égard que « le règlement […] ne saurait avoir pour objet ou pour effet de porter atteinte à la liberté d’opinion ». La liberté des membres du Parlement, garantie par l’article 26 de la Constitution, demeure le socle de l’exercice démocratique face aux velléités de normalisation. Ces obligations déontologiques ne sauraient ainsi devenir des outils de censure politique ou de restriction de la parole souveraine des représentants du peuple.
II. L’organisation du contrôle de l’intégrité et des conflits d’intérêts
A. La prévention structurelle des intérêts privés concurrents
L’article 4 de la résolution prévoit la création d’un registre public des déports ainsi que l’interdiction de solliciter des fonctions créant un conflit d’intérêts. Ces mécanismes proactifs visent à assurer que les membres de la chambre fassent prévaloir systématiquement l’intérêt général sur tout avantage personnel ou lien étranger. Le juge souligne que ces dispositions ne contraignent pas l’élu à ne pas participer aux travaux législatifs mais encadrent simplement les situations d’influence indue. La transparence des intérêts constitue désormais une composante essentielle de la légitimité démocratique, répondant aux attentes des citoyens en matière de probité publique. Cette surveillance mutuelle organisée au sein de l’assemblée renforce la confiance institutionnelle sans entraver le libre exercice du mandat représentatif par les élus.
B. La limitation stricte des pouvoirs de l’organe de contrôle déontologique
Le juge encadre rigoureusement les prérogatives de l’organe de déontologie afin de ne pas empiéter sur les compétences réservées aux instances de direction de l’assemblée. L’organe peut rendre des avis sur des situations déontologiques précises sans toutefois se prononcer sur la compatibilité globale des fonctions exercées par un membre. Les Sages rappellent que la compétence pour juger de l’incompatibilité d’un mandat appartient au seul Bureau de l’assemblée et, éventuellement, à la juridiction constitutionnelle. « Ces dispositions ne peuvent ainsi permettre au comité de se prononcer sur la compatibilité avec le mandat parlementaire des fonctions ou activités » exercées par l’intéressé. Cette répartition des rôles prévient tout risque d’arbitraire et garantit que seules les instances élues ou le juge statuent sur le statut des parlementaires.