Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-767 DC du 5 juillet 2018

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 juillet 2018, la décision n° 2018-767 DC portant sur une résolution relative aux obligations déontologiques. Cette décision traite des règles de conduite et de la prévention des conflits d’intérêts imposées aux membres de la chambre haute française. Le président de cette assemblée a saisi le Conseil le 8 juin 2018, conformément au contrôle obligatoire prévu par l’article 61 de la Constitution. La procédure est ici automatique puisque les règlements des assemblées parlementaires doivent être soumis au juge constitutionnel avant leur mise en application effective. Les membres de l’assemblée entendaient préciser la portée des nouvelles sanctions financières liées à l’absentéisme et des obligations de probité. Le problème juridique réside dans la conciliation entre l’exigence de transparence de la vie publique et le principe constitutionnel d’indépendance du mandat parlementaire. Le Conseil déclare les dispositions conformes, sous plusieurs réserves d’interprétation cruciales visant à protéger la liberté de vote et d’opinion des élus. Cette décision renforce d’abord l’encadrement déontologique de l’exercice du mandat (I) avant de poser les limites nécessaires à la sauvegarde de l’indépendance parlementaire (II).

I. Le renforcement de l’encadrement déontologique et de l’assiduité parlementaire

A. La constitutionnalisation d’un régime de sanctions financières lié à la présence

L’article 1er de la résolution prévoit des retenues financières pour les parlementaires s’absentant de manière répétée aux votes et aux réunions de commissions. Le Conseil admet cette mesure de discipline interne mais précise qu’un élu votant par délégation ne saurait être regardé comme étant absent. Cette réserve se fonde sur l’idée qu’un « membre du Parlement votant par délégation, dans le respect des conditions posées par cette ordonnance, exerce son mandat ». Le juge veille ainsi à ce que l’assiduité physique ne l’emporte pas sur l’exercice juridique effectif du droit de vote parlementaire. Les sanctions doivent respecter les modalités d’exercice du mandat définies par les textes organiques pour demeurer valides au regard de la Constitution.

Au-delà de cette discipline liée à la présence physique, la résolution organise également la transparence des activités exercées par les membres de l’assemblée.

B. La structuration de la prévention des conflits d’intérêts et de la transparence

La résolution instaure un registre public des déports pour prévenir les situations où l’intérêt privé d’un élu pourrait interférer avec sa mission. Le Conseil valide ce dispositif en soulignant que ces mesures « n’ont ni pour objet ni pour effet de contraindre un sénateur à ne pas participer ». Il encadre également les prérogatives du comité de déontologie pour éviter qu’il n’empiète sur les compétences exclusives du Bureau de l’assemblée. La juridiction protège ainsi la répartition des pouvoirs au sein de l’institution parlementaire tout en favorisant une culture de la probité. Le dispositif assure que les obligations déontologiques ne deviennent pas des obstacles insurmontables à l’accomplissement des fonctions législatives normales.

La rigueur de ces nouvelles exigences déontologiques ne doit cependant pas occulter la protection des principes constitutionnels qui garantissent la liberté de l’élu.

II. La protection des garanties fondamentales liées à l’indépendance du mandat

A. La primauté de la liberté d’opinion sur l’obligation de laïcité

L’obligation d’exercer le mandat « dans le respect du principe de laïcité » est jugée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation très ferme. Le juge énonce que « le règlement du Sénat ne saurait avoir pour objet ou pour effet de porter atteinte à la liberté d’opinion ». Cette précision empêche que la laïcité ne devienne un outil de censure des convictions politiques ou religieuses exprimées par les représentants. La liberté des membres du Parlement demeure le socle indispensable à l’expression de la souveraineté nationale par le biais de leurs votes. L’indépendance de l’élu prévaut sur les contraintes comportementales dès lors que l’expression politique fondamentale est en cause.

Si la liberté d’opinion est ainsi préservée, le Conseil veille également à maintenir l’intégrité des compétences institutionnelles de contrôle au sein de la chambre.

B. Le maintien de la compétence exclusive du Bureau en matière de compatibilité

Le Conseil constitutionnel censure toute interprétation qui permettrait à un organe déontologique d’apprécier la compatibilité des fonctions exercées par un membre élu. Il rappelle que cette compétence appartient au seul Bureau de l’assemblée parlementaire et, en cas de doute persistant, au juge constitutionnel lui-même. Les articles du code électoral réservent strictement ce contrôle pour éviter des décisions arbitraires qui porteraient atteinte au libre exercice du mandat. La décision préserve ainsi l’équilibre entre la nécessaire moralisation de la vie publique et les immunités protectrices du statut de parlementaire. L’architecture institutionnelle garantit que seul un organe politique ou juridictionnel supérieur peut statuer sur l’aptitude d’un représentant à siéger.

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Hassan KOHEN
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