Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 décembre 2018, la décision n° 2018-777 DC portant sur la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2019. Ce texte fut déféré par soixante députés qui invoquaient des irrégularités procédurales et des griefs de fond touchant à la sincérité budgétaire. Les requérants contestaient notamment des dispositions fiscales relatives à la transmission d’entreprises et des mesures sociales restreignant l’accès au revenu de solidarité active en Guyane. Ils dénonçaient également la présence de nombreux cavaliers budgétaires et une atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. La juridiction constitutionnelle devait ainsi déterminer si les modalités d’adoption et le contenu de cette loi respectaient les exigences organiques et les droits fondamentaux. Le juge valide l’essentiel du texte tout en censurant les discriminations injustifiées et les dispositions étrangères au domaine financier.

I. La préservation de l’équilibre institutionnel et de la clarté budgétaire

A. Le respect pragmatique de la sincérité du débat parlementaire

Le Conseil constitutionnel examine d’abord la procédure d’adoption de la loi au regard des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Les députés critiquaient la distribution tardive de certaines annexes budgétaires prévues par la loi organique du 1er août 2001. Le juge précise qu’un « éventuel retard dans la mise en distribution de tout ou partie des documents exigés ne saurait faire obstacle à l’examen du projet ». La conformité s’apprécie alors au regard des impératifs de continuité de la vie nationale et de sincérité globale.

La décision écarte également les griefs relatifs à l’introduction de dispositions nouvelles par voie d’amendement gouvernemental lors de la première lecture. Le Conseil estime que ces ajouts n’ont pas porté atteinte aux droits des parlementaires en raison de leur nombre ou de leur objet. Concernant la sincérité budgétaire, il rappelle que celle-ci « se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre ». Les prévisions n’avaient pas à intégrer des mesures non encore acquises juridiquement à la date de l’adoption du texte.

B. L’encadrement strict du domaine des lois de finances

La juridiction veille scrupuleusement au respect du domaine réservé des lois de finances défini par la loi organique relative aux lois de finances. Elle censure ainsi plusieurs articles qui ne présentent aucun lien direct avec les ressources, les charges ou la comptabilité de l’État. Ces dispositions, qualifiées de cavaliers budgétaires, concernent des domaines variés comme le domaine public portuaire ou la réglementation sur les récoltes de raisins. L’article 251, relatif à l’information des collectivités territoriales sur la dotation globale de fonctionnement, subit le même sort.

Le Conseil sanctionne également des dispositions dont l’effet budgétaire se situe au-delà de l’année concernée par la loi de finances initiale. Il considère que les règles de revalorisation de prestations sociales pour l’année 2020 « ne trouvent pas leur place dans la loi de finances pour 2019 ». Cette rigueur garantit que le budget annuel ne devienne pas un réceptacle pour des réformes législatives permanentes et sans incidence financière immédiate. L’unité et la clarté des lois de finances sont ainsi protégées contre l’éparpillement normatif.

II. Le contrôle rigoureux de l’égalité devant les prestations sociales et la loi fiscale

A. La censure d’une rupture disproportionnée de l’égalité en Guyane

L’apport majeur de la décision réside dans la censure des dispositions de l’article 81 limitant l’accès au revenu de solidarité active en Guyane. Le législateur imposait aux étrangers non communautaires une condition de résidence stable sous couvert d’un titre de séjour depuis quinze ans. Les requérants soutenaient que cette différence de traitement entre les résidents de Guyane et ceux du reste du territoire national était inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel reconnaît que l’article 73 de la Constitution permet des adaptations tenant aux « caractéristiques et contraintes particulières » des collectivités ultramarines.

Toutefois, le juge constitutionnel estime que le délai de quinze ans introduit une condition sans lien pertinent avec l’objet de la prestation. Il affirme que « la différence de traitement instituée pour l’accès au revenu de solidarité active ne saurait être regardée comme justifiée ». Cette mesure dépasse les adaptations autorisées car elle s’applique même aux étrangers en situation régulière s’étant maintenus de manière continue sur le territoire. Le principe d’égalité devant la loi impose donc la censure de cette restriction jugée manifestement disproportionnée par les sages.

B. La validation raisonnée des aménagements de la fiscalité patrimoniale

Le Conseil se prononce ensuite sur les modifications apportées aux régimes de transmission d’entreprises et d’imposition des plus-values latentes lors d’un transfert de domicile. Concernant l’assouplissement des engagements de conservation des titres, le juge écarte le grief de rupture d’égalité devant les charges publiques. Il considère que le législateur a entendu favoriser la pérennité des entreprises par des « critères objectifs et rationnels ». La substitution d’une demande de l’administration à une déclaration spontanée ne prive pas celle-ci de son pouvoir de contrôle effectif.

Enfin, la réduction du délai de conservation des titres pour le dégrèvement de l’impôt sur les plus-values latentes est déclarée conforme. Le législateur a valablement pu modifier ce délai dans le but de favoriser la lutte contre l’évasion fiscale sans créer de rupture caractérisée. Le juge rappelle qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation général de même nature que celui du Parlement en matière budgétaire. Il se borne à vérifier que les choix fiscaux ne méconnaissent aucune garantie légale des exigences constitutionnelles fondamentales.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture