Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 décembre 2018, une décision importante relative à la conformité de la loi de finances pour 2019. Saisi par plusieurs députés, le juge devait examiner la régularité de la procédure législative et la validité de diverses dispositions matérielles. Les requérants dénonçaient des atteintes à la clarté des débats ainsi qu’au principe de sincérité budgétaire nécessaire au vote des parlementaires. La haute juridiction s’est prononcée sur les conditions d’examen des documents budgétaires et sur l’exercice du droit d’amendement du Gouvernement. Elle a également analysé des mesures touchant à la fiscalité des entreprises, aux prestations sociales et aux limites du domaine réservé des lois de finances. Le Conseil écarte les griefs procéduraux mais censure plusieurs articles pour méconnaissance de l’égalité devant la loi ou du cadre organique budgétaire. L’analyse portera d’abord sur la protection de la régularité du processus de vote avant d’aborder le contrôle rigoureux du contenu de la loi.

**I. La préservation de l’intégrité formelle et substantielle du processus budgétaire**

**A. La validation de la procédure législative et de l’information du Parlement** Le Conseil constitutionnel rappelle que le délai de distribution des annexes assure « l’information du Parlement en temps utile pour qu’il se prononce en connaissance de cause ». Un retard dans cette mise à disposition ne fait pas obstacle à l’examen du projet si la sincérité globale des débats demeure préservée. Les juges considèrent que l’introduction de dispositions nouvelles par amendement gouvernemental n’a pas porté atteinte aux exigences constitutionnelles de clarté. Le droit de sous-amendement est présenté comme « indissociable du droit d’amendement » reconnu aux membres du Parlement par l’article quarante-quatre de la Constitution. Cependant, l’irrecevabilité d’un sous-amendement modifiant la quasi-totalité des prévisions de déficit est jugée conforme car il excédait l’objet de l’amendement initial. Cette décision souligne la volonté du juge de concilier les prérogatives parlementaires avec les nécessités de la continuité de la vie nationale.

**B. L’appréciation subjective du principe de sincérité budgétaire** La sincérité des lois de finances se caractérise par « l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre » déterminées par le texte. Le juge constitutionnel estime que le législateur n’est pas tenu d’intégrer des mesures dont l’adoption n’est pas encore acquise juridiquement. Les prévisions peuvent raisonnablement découler des informations disponibles au moment du vote sans que des évolutions futures hypothétiques ne l’entachent d’insincérité. Le Conseil précise qu’il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation du montant des crédits votés identique à celui détenu par le Parlement. Cette réserve jurisprudentielle limite le contrôle de la sincérité aux erreurs manifestes ou aux manœuvres délibérées visant à tromper la représentation nationale. La validité formelle étant établie, l’examen doit se poursuivre sur le fond des mesures sociales et fiscales contestées par les auteurs de la saisine.

**II. Le contrôle rigoureux du contenu matériel et du domaine de la loi de finances**

**A. La sanction des atteintes au principe d’égalité devant la loi** Le juge examine les dispositions imposant aux étrangers résidant en Guyane des délais de résidence spécifiques pour bénéficier du revenu de solidarité active. Si le législateur peut adapter les lois outre-mer, ces mesures doivent être justifiées par des caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité. Le Conseil juge que l’allongement du délai de détention d’un titre de séjour est sans lien pertinent avec l’objet de la prestation sociale. Cette différence de traitement entre les étrangers résidant régulièrement sur le territoire national méconnaît le principe constitutionnel d’égalité devant la loi. La lutte contre l’immigration irrégulière ne saurait justifier une restriction disproportionnée à l’accès aux moyens convenables d’existence pour des personnes en situation régulière. Cette protection des droits fondamentaux s’accompagne d’une vigilance accrue sur le respect des limites organiques imposées au législateur financier.

**B. Le respect strict du domaine organique et de la temporalité budgétaire** Le Conseil censure de nombreuses dispositions qualifiées de cavaliers budgétaires car elles ne concernent ni les ressources ni les charges de l’État. Des mesures relatives à l’occupation du domaine portuaire ou à la réglementation de la récolte de raisins n’ont pas leur place en loi de finances. Le juge rappelle que la loi de finances de l’année ne peut comporter des dispositions affectant directement les dépenses que pour l’année à venir. Les règles de revalorisation des prestations sociales prévues pour l’année deux-mille-vingt sont ainsi invalidées pour méconnaissance du principe d’annualité budgétaire. Cette décision réaffirme la spécificité organique des lois de finances et protège la clarté du budget contre l’insertion de réformes structurelles étrangères. La rigueur du juge garantit que le Parlement se prononce exclusivement sur les éléments nécessaires à l’équilibre financier de la Nation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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