Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 février 2019 d’une question prioritaire de constitutionnalité par la chambre criminelle de la Cour de cassation. La contestation portait sur le cumul de sanctions financières et pénales applicables aux candidats ayant dépassé le plafond des dépenses lors de l’élection présidentielle. Un candidat s’était vu imposer un versement au Trésor public avant de faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales pour les mêmes faits. Par un arrêt du 19 février 2019, la chambre criminelle a transmis cette interrogation relative à la conformité de la loi au principe de nécessité des peines. Le requérant invoquait une méconnaissance de la règle interdisant de punir deux fois une personne pour un manquement identique. Les sages de la rue de Montpensier devaient déterminer si l’application conjointe de ces répressions respectait les exigences de l’article huit de la Déclaration de 1789. La juridiction constitutionnelle a rejeté le grief en jugeant que les sanctions protègent des intérêts sociaux distincts et présentent une nature différente.
**I. L’admission du réexamen des dispositions législatives**
**A. Le dépassement de l’autorité de chose jugée**
Le Conseil constitutionnel doit initialement statuer sur la recevabilité de la question puisque les textes contestés avaient déjà été déclarés conformes en 2006. L’ordonnance du 7 novembre 1958 fait normalement obstacle à un nouveau contrôle des dispositions ayant déjà reçu l’aval des juges constitutionnels. Cette règle de l’autorité de la chose jugée assure la stabilité du droit tout en limitant les recours successifs contre une même norme législative. Cependant, le requérant peut valablement solliciter un nouvel examen s’il démontre l’existence d’un changement de circonstances de droit ou de fait. Cette exception permet d’adapter le contrôle de constitutionnalité aux évolutions de la jurisprudence ou de la société pour garantir une protection effective des droits. En l’espèce, la demande se fondait sur une mutation profonde de la perception juridique du cumul des poursuites pénales et administratives.
**B. L’identification d’un changement de circonstances**
La juridiction souligne que sa propre jurisprudence a évolué de manière significative depuis sa précédente décision rendue le 5 avril 2006. Le Conseil cite ses décisions du 24 juin 2016 qui ont précisé les limites apportées au cumul des poursuites au nom de la nécessité des peines. Ces précédents constituent un changement de circonstances justifiant le réexamen des articles du code électoral et de la loi relative à l’élection présidentielle. L’évolution du cadre interprétatif des droits fondamentaux autorise ainsi le juge à écarter l’autorité de chose jugée pour protéger le principe de proportionnalité. Cette approche dynamique permet de confronter des dispositions anciennes à des exigences constitutionnelles dont la portée a été récemment clarifiée par le juge. La recevabilité étant acquise, la décision se concentre alors sur l’analyse de la double répression au regard des critères de distinction des poursuites.
**II. La licéité du cumul répressif en matière électorale**
**A. La poursuite d’objectifs sociaux différenciés**
Le principe de nécessité des peines permet que les mêmes faits fassent l’objet de poursuites différentes afin de sanctionner des manquements de nature distincte. Le Conseil constitutionnel observe que la sanction financière systématique vise à « assurer le bon déroulement de l’élection du Président de la République » et l’égalité entre candidats. Cette mesure administrative garantit la régularité comptable du scrutin sans rechercher l’intention frauduleuse de la part de la personne concernée par le dépassement budgétaire. À l’inverse, la répression pénale entend « sanctionner les éventuels manquements à la probité des candidats » en exigeant la preuve d’un élément intentionnel caractérisé. Les deux régimes relèvent de corps de règles qui « protègent des intérêts sociaux distincts » au sein de l’ordre juridique national et constitutionnel. Cette divergence de finalités justifie que l’action publique puisse s’ajouter à la procédure de contrôle des comptes de campagne sans violer la Constitution.
**B. La divergence de nature des sanctions encourues**
La juridiction constitutionnelle fonde également sa solution sur la différence de nature existant entre la pénalité pécuniaire et la condamnation pénale. La première sanction est une « pénalité financière, strictement égale au montant du dépassement constaté », dépourvue de toute dimension d’appréciation subjective par la commission compétente. La sanction pénale prévoit en revanche une amende et une peine d’emprisonnement permettant au juge judiciaire d’adapter la sévérité à la gravité des faits. En raison de cette hétérogénéité, le cumul ne dépasse pas le plafond de la peine la plus élevée selon la réserve de proportionnalité classique. Le Conseil affirme que « le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle » à une telle dualité de procédures répressives. Les dispositions contestées sont donc déclarées conformes à la Constitution car elles respectent l’équilibre entre la probité publique et la sauvegarde des libertés individuelles.