Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-784 DC du 27 juin 2019

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 27 juin 2019, une décision n° 2019-784 DC relative à une loi portant diverses dispositions institutionnelles outre-mer. Cette saisine par l’autorité de saisine faisait suite à l’adoption d’un texte complétant le régime d’autonomie d’un territoire ultramarin spécifique. Le litige se cristallisait principalement autour de l’instauration d’un prélèvement sur les recettes étatiques pour pallier des pertes économiques liées à une désaffectation industrielle. L’enjeu juridique résidait dans l’articulation entre la liberté du législateur ordinaire et les contraintes de précision dictées par la loi organique financière. La juridiction suprême a déclaré l’article premier non conforme à la Constitution tout en écartant plusieurs cavaliers législatifs dépourvus de lien avec l’objet initial. L’analyse de cette solution impose d’examiner d’abord la rigueur financière des transferts de recettes avant d’aborder la protection de la cohérence de la procédure législative.

I. La rigueur financière imposée aux prélèvements sur recettes

A. Le respect impératif de la loi organique relative aux lois de finances

L’article premier de la loi déférée instaurait un prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité d’outre-mer concernée. Le juge constitutionnel rappelle que les prélèvements sur recettes doivent être « dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise ». Cette exigence découle directement de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, s’imposant ainsi au législateur ordinaire. Si la loi ordinaire peut créer un tel mécanisme financier, elle demeure strictement subordonnée aux principes de clarté et de spécialisation des fonds.

B. L’indétermination fatale des critères de compensation

La haute juridiction censure la disposition litigieuse au motif qu’elle ne définit pas la destination des fonds avec une précision suffisante pour le contrôle. La loi prévoyait la couverture des charges liées aux « déséquilibres d’ordre économique provoqués par l’arrêt des activités du centre d’expérimentation ». L’absence d’indications relatives aux critères de détermination de ces charges constitue une méconnaissance flagrante des dispositions organiques par le juge constitutionnel. L’indétermination de l’objet du financement public entraîne alors l’inconstitutionnalité de la mesure, faute pour le législateur d’avoir épuisé sa propre compétence financière.

II. La censure systématique des cavaliers législatifs

A. L’absence de lien avec le texte initialement déposé

Le juge a également examiné d’office la régularité de plusieurs articles traitant de matières totalement étrangères aux dispositions institutionnelles de la collectivité. Aux termes de la Constitution, tout amendement doit présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis en première lecture. Les dispositions relatives aux crématoriums ou au droit successoral ne présentaient aucune connexité avec le projet de loi initialement déposé devant la chambre. La haute juridiction souligne que ces mesures ont été « adoptées selon une procédure contraire à la Constitution » en raison de leur caractère extrinsèque.

B. L’exigence de cohérence dans la procédure législative

Cette décision confirme la volonté du juge de limiter les scories législatives afin de garantir la clarté et la sincérité des débats parlementaires. La sanction de ces cavaliers protège l’intégrité du processus de fabrication de la loi en empêchant l’insertion de réformes sans rapport avec l’objet. Le respect du périmètre législatif initial s’impose comme une condition essentielle de validité des amendements sous peine d’une invalidation systématique par le juge. Cette jurisprudence assure ainsi une meilleure lisibilité du droit positif en évitant l’éparpillement de normes disparates au sein de textes à vocation spécifique.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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