Le Conseil constitutionnel a rendu, le 24 mai 2019, une décision relative à la conformité aux droits et libertés de l’imposition des prestations de services utilisées en France. Une entreprise a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion d’un litige portant sur la retenue à la source prévue par le code général des impôts. Le Conseil d’État a transmis cette question le 25 février 2019 par une décision portant le numéro 412497, invoquant le principe d’égalité devant les charges publiques. Les dispositions contestées soumettent à un prélèvement les sommes payées en rémunération de prestations fournies ou utilisées sur le territoire national par des entités non résidentes. Les auteurs du recours estimaient que l’impossibilité de déduire les charges professionnelles de l’assiette imposable méconnaissait les facultés contributives réelles des prestataires situés à l’étranger. La juridiction devait déterminer si l’établissement d’une assiette brute pour les non-résidents constitue une rupture caractérisée de l’égalité devant la loi ou devant l’impôt. Par cette décision, le Conseil déclare les dispositions conformes, jugeant que la différence de traitement repose sur des critères objectifs et rationnels liés à l’objet de la loi. L’analyse portera sur la légitimité du régime fiscal différencié pour les non-résidents, avant d’envisager la proportionnalité de la charge fiscale au regard des facultés contributives.
**I. La légitimité d’un régime fiscal différencié pour les non-résidents**
**A. La reconnaissance d’un critère de distinction objectif et rationnel**
Le Conseil rappelle que le principe d’égalité « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité ». En l’espèce, la distinction s’opère entre les prestataires disposant d’une installation professionnelle permanente en France et ceux qui sont dépourvus d’une telle présence matérielle stable. Cette différence de situation autorise le législateur à prévoir des modalités d’imposition distinctes sans méconnaître les exigences posées par l’article 6 de la Déclaration de 1789. La décision précise que le législateur s’est « fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi » pour instaurer cette retenue. L’absence de présence physique sur le territoire national justifie ainsi l’application d’un mécanisme de prélèvement à la source assis sur le montant brut de la rémunération perçue.
**B. La protection du recouvrement de l’imposition de source française**
L’objectif poursuivi par la loi est de « garantir le montant et le recouvrement de l’imposition due » à raison des revenus produits sur le territoire de la République. Le juge constitutionnel souligne que l’administration fiscale ne dispose pas, à l’égard des non-résidents, du « pouvoir de vérifier et de contrôler la réalité des charges déductibles ». Cette impossibilité matérielle de vérification légitime l’exclusion de la déduction des frais professionnels qui est habituellement ouverte aux contribuables disposant d’un établissement stable en France. La retenue à la source apparaît comme l’outil nécessaire pour prévenir l’évasion fiscale et assurer l’efficacité de la collecte de la contribution commune entre les citoyens. Cette validation du principe de l’imposition brute appelle toutefois une vérification de l’ampleur du sacrifice financier qui est imposé au prestataire de service étranger.
**II. Une pression fiscale jugée compatible avec les facultés contributives**
**A. L’absence de caractère confiscatoire de la taxation sur l’assiette brute**
L’article 13 de la Déclaration de 1789 exige que la contribution commune soit répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés contributives et de leurs ressources. Le Conseil constitutionnel juge toutefois que ces dispositions « ne font pas peser sur ces personnes, compte tenu du taux de 33 1/3 % applicable, une imposition confiscatoire ». Le juge vérifie ainsi que le taux facial, combiné à une assiette brute, n’aboutit pas à une spoliation manifeste des revenus tirés de l’activité économique. Cette appréciation souveraine du législateur n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques au regard des buts que la loi se propose d’atteindre. La décision confirme la validité constitutionnelle d’un système de taxation forfaitaire dès lors que sa charge globale ne devient pas excessive pour les contribuables visés.
**B. Le maintien de la cohérence du système de prévention des doubles impositions**
Le Conseil examine également la possibilité d’imputer cette retenue à la source sur l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés qui pourrait être dû par ailleurs. Cette faculté d’imputation a pour objet « d’éviter les doubles impositions » et ne saurait être critiquée comme une source de discrimination injustifiée entre les différents redevables. Les sages relèvent que cette règle ne découle pas directement des dispositions contestées mais participe de l’économie générale du droit fiscal et des conventions internationales. Le système global garantit que la retenue à la source ne constitue qu’une modalité de perception qui s’ajuste aux principes régissant la fiscalité des échanges transfrontaliers. En rejetant l’ensemble des griefs, le Conseil consacre la validité d’un dispositif de sécurisation des recettes publiques malgré la rigueur de son mode de calcul.