Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 juin 2019, une décision relative à la conformité de certaines dispositions du code général des impôts. La question prioritaire de constitutionnalité portait spécifiquement sur la majoration de l’assiette fiscale applicable à certains revenus distribués de manière irrégulière. Des contribuables contestaient l’application d’un coefficient multiplicateur de 1,25 sur des rémunérations occultes ou des bénéfices rectifiés suite à un contrôle fiscal.
Saisi par le Conseil d’État le 16 avril 2019, le juge constitutionnel devait examiner si ce dispositif respectait les droits et libertés fondamentaux. Les requérants soutenaient que cette majoration revêtait le caractère d’une punition déguisée et méconnaissait l’égalité devant les charges publiques. Ils invoquaient également une violation du principe de légalité des peines et de la présomption d’innocence.
Le problème de droit consiste à déterminer si l’alourdissement automatique de la charge fiscale pour des revenus non déclarés constitue une sanction répressive ou une rupture d’égalité. Le Conseil constitutionnel écarte ces critiques en jugeant que la mesure ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Il valide également les taux marginaux d’imposition élevés au regard de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale. Cette analyse commande d’envisager la nature juridique de la majoration avant d’en apprécier la conformité constitutionnelle.
**I. La nature juridique de la majoration d’assiette**
Le Conseil constitutionnel commence son analyse en écartant la qualification pénale de la majoration de vingt-cinq pour cent prévue par le législateur.
*A. L’exclusion de la qualification de sanction répressive*
Les requérants affirmaient que la majoration d’assiette constituait une véritable peine en raison de sa finalité répressive manifeste. Le Conseil constitutionnel rejette fermement cette interprétation en précisant que « la majoration contestée ne constituant pas une sanction ayant le caractère d’une punition ». Cette position repose sur l’idée que le coefficient multiplicateur participe à la définition de l’assiette de l’impôt plutôt qu’à une répression. Le juge refuse ainsi d’étendre les garanties constitutionnelles propres à la matière pénale à une règle purement fiscale.
*B. L’inopérance des garanties propres à la matière pénale*
L’absence de caractère punitif entraîne logiquement l’échec des moyens fondés sur les articles huit et neuf de la Déclaration de 1789. Puisque la mesure n’est pas une sanction, les principes de légalité des peines et de présomption d’innocence sont jugés « inopérants » par la juridiction. Les contribuables ne peuvent donc pas exiger une modulation de la majoration en fonction de leur comportement individuel. Cette qualification rigoureuse de la mesure fiscale permet au juge constitutionnel d’engager l’examen de la proportionnalité de l’imposition.
**II. La conformité de la charge fiscale au principe d’égalité**
La juridiction vérifie ensuite si l’imposition globale qui en résulte ne fait pas peser une charge excessive sur les contribuables concernés.
*A. La légitimité de l’objectif de lutte contre la fraude*
Le législateur a souhaité imposer plus lourdement les revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes. Le Conseil constitutionnel valide cet objectif car il répond au but de valeur constitutionnelle de « lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ». La distinction opérée entre les revenus déclarés régulièrement et ceux révélés par un contrôle fiscal repose sur des critères « objectifs et rationnels ». Il n’existe donc pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques dans cette espèce.
*B. L’absence de caractère confiscatoire de l’imposition globale*
Le cumul de l’impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus atteignait soixante-treize pour cent. Bien que ce taux soit particulièrement élevé, le Conseil estime qu’« il ne résulte pas de ces taux une charge excessive au regard des facultés contributives ». Cette solution se justifie par le fait que ces taux frappent des revenus dissimulés et ne s’appliquent qu’à des tranches de revenus supérieures. Le juge constitutionnel confirme ainsi la validité d’une fiscalité lourdement dissuasive pour les comportements contraires à la loi fiscale.