Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019

Le Conseil constitutionnel a été saisi par une décision du Conseil d’État du 2 octobre 2019 d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette saisine concerne la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2261-32 à L. 2261-34 du code du travail. Ces dispositions permettent au ministre chargé du travail de prononcer la fusion de branches professionnelles selon certains critères légaux définis par le législateur. Plusieurs organisations syndicales soutiennent que ce pouvoir porte une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle ainsi qu’au principe de participation des travailleurs. Elles critiquent également les conséquences de ces fusions sur le maintien des conventions collectives légalement conclues et sur la représentativité des organisations. Les juges constitutionnels doivent déterminer si l’intérêt général attaché à la restructuration des branches justifie les limitations imposées à la négociation collective. La décision rendue le 29 novembre 2019 valide l’essentiel du dispositif sous plusieurs réserves d’interprétation mais censure un critère trop imprécis. L’examen de la décision portera d’abord sur l’encadrement de l’intervention ministérielle avant d’analyser la protection des droits des partenaires sociaux.

I. L’encadrement du pouvoir d’intervention ministériel dans la restructuration des branches

A. La légitimation des critères de fusion par l’objectif d’intérêt général

Le législateur a entendu remédier à l’éparpillement des branches professionnelles pour renforcer le dialogue social et permettre une régulation efficace de la concurrence. Le Conseil constitutionnel juge cet objectif conforme à l’intérêt général car il permet aux branches de disposer de moyens d’action suffisants. Les critères relatifs aux effectifs, à la faiblesse de l’activité conventionnelle ou au champ géographique restreint apparaissent cohérents avec cette finalité législative recherchée. La décision précise que la procédure « ne peut concerner que des branches présentant des conditions sociales et économiques analogues » sous le contrôle du juge. L’atteinte à la liberté contractuelle découlant des sixième et huitième alinéas du Préambule de 1946 est ainsi considérée comme proportionnée par la juridiction.

B. La sanction de l’imprécision législative relative à la cohérence du champ conventionnel

Le Conseil constitutionnel censure toutefois le critère permettant de fusionner des branches afin de « renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives ». Il estime que le législateur n’a pas déterminé les éléments permettant d’apprécier cette notion de cohérence de manière suffisamment précise. En laissant une latitude excessive à l’autorité ministérielle, la loi méconnaît l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant directement la liberté contractuelle. Cette incompétence négative entraîne l’inconstitutionnalité du huitième alinéa du paragraphe I de l’article L. 2261-32 sans report de la date d’abrogation. L’autorité administrative ne peut plus se fonder sur ce motif vague pour imposer une restructuration forcée à des partenaires sociaux.

II. La préservation de la stabilité contractuelle et des droits de participation

A. Une conciliation nuancée entre unification du statut et maintien des droits acquis

L’article L. 2261-33 prévoit qu’à défaut d’accord de remplacement après cinq ans, la convention de la branche de rattachement s’applique de plein droit. Le Conseil constitutionnel admet cette automaticité pour les « situations équivalentes » afin d’assurer l’effectivité de la fusion et l’unification du statut collectif. Il pose néanmoins une réserve importante en interdisant de mettre fin aux stipulations « qui régissent des situations spécifiques à cette branche ». Une application indifférenciée de la convention de rattachement porterait une atteinte excessive au droit au maintien des conventions légalement conclues. Cette réserve garantit que les particularités concrètes des métiers de la branche absorbée ne disparaissent pas brutalement faute d’accord collectif conclu.

B. La garantie de participation des organisations syndicales à la négociation transitoire

La décision traite enfin de la représentativité des organisations dont l’audience est diluée par l’élargissement du champ géographique ou professionnel de la branche. Le Conseil juge que la mesure de l’audience au niveau de la nouvelle branche respecte les principes de la démocratie sociale. Cependant, il émet une réserve de constitutionnalité pour les organisations qui perdraient leur représentativité au cours des négociations engagées après la fusion. Ces organisations doivent pouvoir « continuer à participer aux discussions relatives à l’accord de remplacement » sans pour autant disposer de la faculté de signature. Cette solution protège la participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail tout en respectant les nouvelles règles d’audience.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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