Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 21 décembre 2020, une décision importante sous le numéro 2020-810 DC concernant la loi de programmation de la recherche. Cette loi vise à définir les orientations stratégiques et budgétaires pour la décennie à venir tout en modifiant les règles relatives aux carrières universitaires. Plusieurs membres du Parlement ont contesté la conformité de ce texte à la Constitution, critiquant notamment les nouveaux modes de recrutement et certaines dispositions pénales. La question centrale porte sur l’équilibre entre la modernisation de la recherche et le respect du principe fondamental d’indépendance des enseignants-chercheurs. Le juge constitutionnel valide l’essentiel de la réforme tout en encadrant les pouvoirs des chefs d’établissement et en censurant plusieurs articles étrangers à l’objet initial.

**I. La diversification des modalités de recrutement au sein de l’enseignement supérieur**

La loi introduit des dispositifs dérogeant aux règles classiques afin de répondre à des besoins spécifiques de stratégie scientifique ou d’attractivité internationale des établissements. Ces mesures visent principalement à fluidifier l’accès aux corps de professeurs tout en conservant une évaluation par les pairs lors des phases de sélection.

**A. L’instauration d’une voie contractuelle d’accès à la titularisation**

L’article 4 de la loi déférée permet de « recruter en qualité d’agent contractuel de droit public une personne en vue de sa titularisation » dans le corps des professeurs. Ce dispositif, souvent désigné sous le terme de chaires de professeur junior, constitue une rupture avec le recrutement direct par concours national ou local. Le législateur a toutefois encadré ce recours en limitant le nombre de ces contrats à 15 % des recrutements autorisés annuellement au niveau national.

Le recrutement s’appuie sur une commission de recrutement composée pour moitié au moins d’enseignants-chercheurs extérieurs à l’établissement concerné par l’emploi à pourvoir. Cette structure garantit une évaluation objective des mérites des candidats en associant des pairs de rang égal au cours de l’examen initial des dossiers. La titularisation ultérieure dépend alors de l’atteinte d’objectifs scientifiques et pédagogiques définis au préalable dans le contrat signé par l’agent et son employeur.

**B. L’assouplissement du contrôle national de la qualification scientifique**

L’article 5 du texte supprime l’exigence de qualification par le conseil national des universités pour les maîtres de conférences titulaires candidats au corps des professeurs. Cette mesure vise à simplifier la mobilité interne et à réduire les lourdeurs administratives pesant sur les carrières des personnels déjà en poste. Elle s’accompagne d’une expérimentation permettant de déroger à cette qualification nationale pour le recrutement initial de certains maîtres de conférences dans des disciplines choisies.

Cette évolution n’efface pas le contrôle des aptitudes puisque le recrutement demeure confié à des comités de sélection composés majoritairement de spécialistes de la discipline. Ces instances apprécient souverainement les titres et travaux des postulants afin de garantir que « les pairs soient associés au recrutement des candidats à ces postes ». Le juge considère que ces garanties locales suffisent à préserver l’exigence constitutionnelle d’égal accès aux emplois publics selon les capacités et les talents.

**II. La protection des garanties statutaires et le respect de la procédure législative**

Si les nouvelles structures de recrutement sont validées, elles demeurent soumises au respect impératif de l’indépendance des chercheurs et à la régularité du débat parlementaire. Le Conseil constitutionnel exerce ici une surveillance étroite pour éviter que la gestion administrative des établissements n’empiète sur la liberté de l’évaluation scientifique.

**A. La préservation de l’indépendance des enseignants-chercheurs par les réserves d’interprétation**

L’indépendance des enseignants-chercheurs constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui impose des limites strictes au pouvoir de nomination. Le juge constitutionnel précise ainsi que « le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs s’oppose à ce que le chef d’établissement puisse refuser » la titularisation pour des motifs scientifiques. Un candidat ayant reçu un avis favorable d’une commission compétente ne peut donc être écarté par l’autorité administrative pour des raisons liées à sa qualification.

Cette réserve d’interprétation protège les chercheurs contre toute dérive arbitraire ou pression hiérarchique qui pourrait altérer la neutralité de la recherche scientifique au sein des universités. Le chef d’établissement ne peut pas non plus proposer à la titularisation un individu ayant fait l’objet d’un avis défavorable de ses pairs. Cette décision renforce le rôle prépondérant des instances collégiales scientifiques face au pouvoir exécutif de l’université dans la gestion des carrières académiques.

**B. La sanction des dispositions étrangères à l’objet de la loi de programmation**

Le Conseil constitutionnel censure l’article 38 de la loi qui instaurait un délit réprimant l’intrusion dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans autorisation. Ce texte visait à punir le fait de pénétrer dans ces lieux « dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ». Le juge constate que cette disposition a été introduite en première lecture sans présenter de lien, même indirect, avec le projet de loi initial.

L’article 42, relatif à l’exportation de restes du corps humain à des fins de recherche scientifique, subit le même sort pour des raisons procédurales identiques. Ces articles sont qualifiés de cavaliers législatifs en application de l’article 45 de la Constitution qui interdit les ajouts dépourvus de cohérence avec le texte déposé. Cette rigueur procédurale assure la clarté et la sincérité des débats au Parlement en évitant l’adoption de mesures pénales ou techniques sans examen approfondi.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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