Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020, s’est prononcé sur la conformité de la loi de programmation de la recherche. Plusieurs groupes de parlementaires contestaient des dispositions relatives au recrutement des enseignants-chercheurs ainsi qu’à la procédure législative suivie. Les requérants invoquaient principalement une atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs et des maîtres de conférences. Ils dénonçaient également l’introduction de dispositions étrangères à l’objet initial du texte, qualifiées par la doctrine de cavaliers législatifs. La haute juridiction devait déterminer si les nouveaux modes de recrutement préservaient l’exigence constitutionnelle de participation des pairs. Elle devait aussi apprécier la régularité de l’exercice du droit d’amendement par le Gouvernement et les membres du Parlement. Le Conseil valide l’essentiel des réformes de recrutement sous réserve d’interprétation stricte, tout en censurant les articles dépourvus de lien avec le projet initial.

L’examen de cette décision permet d’étudier la préservation encadrée de l’indépendance des enseignants-chercheurs avant d’analyser la sanction procédurale rigoureuse des dérives législatives.

**I. La préservation encadrée de l’indépendance des enseignants-chercheurs**

**A. La constitutionnalité d’une voie de recrutement dérogatoire**

La loi organise une voie nouvelle de recrutement par contrat en vue d’une titularisation ultérieure dans le corps des professeurs des universités. Le Conseil constitutionnel rappelle que le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs « implique notamment que les professeurs des universités et les maîtres de conférences soient associés au choix de leurs pairs ». Les sages estiment que les garanties prévues, notamment l’intervention d’une commission de titularisation, assurent une évaluation objective des mérites. Toutefois, la juridiction émet une réserve d’interprétation impérative concernant les pouvoirs du chef d’établissement lors de la phase finale du recrutement. « Le chef d’établissement ne saurait […] proposer à la titularisation un candidat ayant fait l’objet d’un avis défavorable de cette commission ». Cette limite prévient toute immixtion administrative dans l’appréciation des qualités scientifiques des candidats par les autorités universitaires.

**B. L’admission d’un recrutement local affranchi de la qualification nationale**

Les dispositions contestées suppriment également l’exigence d’une qualification nationale préalable pour le recrutement des professeurs et, à titre expérimental, des maîtres de conférences. Le Conseil considère que la règle de l’évaluation par une instance nationale ne constitue pas, en elle-même, un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Le maintien d’une procédure de sélection confiée à des comités locaux composés majoritairement de pairs extérieurs à l’établissement suffit à garantir l’indépendance requise. Les sages affirment que ces modalités « garantissent que leurs pairs soient associés au recrutement des candidats à ces postes ». La décentralisation du recrutement ne porte donc pas atteinte à l’égalité d’accès aux emplois publics garantie par l’article 6 de la Déclaration de 1789. La liberté scientifique demeure protégée par le contrôle scientifique exercé par les commissions spécialisées lors de chaque phase de sélection.

**II. La sanction procédurale rigoureuse des dérives législatives**

**A. Le rappel des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire**

Les requérants critiquaient les conditions d’adoption de la dispense de qualification nationale, introduite tardivement par voie d’amendement devant la seconde assemblée saisie. Le Conseil constitutionnel réaffirme la plénitude du droit d’amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement au cours de la première lecture. Cette prérogative « ne saurait être limitée […] que par les règles de recevabilité » prévues par la Constitution, notamment l’exigence d’un lien avec le texte. La juridiction écarte le grief tiré d’une méconnaissance de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire malgré la brièveté des délais. L’article 5 a ainsi été adopté selon une procédure régulière, dès lors que les parlementaires ont pu exercer leur droit de délibération. Le respect des délais n’est pas une condition de constitutionnalité tant que le lien avec le projet de loi initial est établi.

**B. La censure systématique des cavaliers législatifs étrangers à l’objet de la loi**

En revanche, le Conseil censure l’article 38 créant un délit d’intrusion dans les établissements d’enseignement supérieur, faute de lien avec le projet initial. Ces dispositions « ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 17 du projet de loi initial » ni avec aucune autre mesure. Le Conseil applique la même rigueur à l’article 42 relatif à l’importation de restes humains à des fins de recherche scientifique. Ces articles sont qualifiés de cavaliers législatifs et déclarés contraires à la Constitution pour des motifs de pure procédure. La juridiction protège ainsi la cohérence du travail législatif contre l’ajout de mesures hétérogènes sans préjuger de leur éventuelle conformité matérielle ultérieure. Cette sévérité garantit que le droit d’amendement ne soit pas détourné pour légiférer sur des sujets étrangers aux orientations initialement débattues.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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