Le Conseil constitutionnel a rendu, le 17 septembre 2020, la décision n° 2020-855 QPC relative à la conformité du régime de réparation des anciens mineurs grévistes. La disposition législative contestée prévoyait des allocations pour les anciens mineurs licenciés suite aux grèves de 1948 et 1952 ainsi qu’au profit de leurs enfants. Le bénéfice de ces prestations était toutefois subordonné à une demande préalable de chauffage ou de logement déposée avant une date butoir fixée par le texte. Des requérants ont saisi la juridiction constitutionnelle afin de dénoncer l’exclusion des descendants dont les parents n’avaient pas accompli ces démarches administratives obligatoires. Ils estimaient que cette double condition créait une différence de traitement inconstitutionnelle entre les victimes de licenciements abusifs selon leur diligence procédurale passée.
Les juges constitutionnels devaient déterminer si la subordination d’une mesure de réparation à des conditions de forme étrangères au préjudice subi respectait le principe d’égalité. La juridiction censure les dispositions litigieuses en considérant que ces critères restrictifs sont totalement dépourvus de lien avec l’objet de la loi réparatrice. L’analyse portera d’abord sur l’identification d’une différence de traitement injustifiée avant d’aborder la sanction d’une rupture d’égalité sans rapport avec l’objectif législatif.
I. L’identification d’une différence de traitement injustifiée
Le législateur a instauré un mécanisme de compensation financière visant à reconnaître le caractère discriminatoire et abusif des licenciements intervenus lors des conflits sociaux miniers.
A. Des conditions d’accès aux allocations particulièrement contraignantes
Le texte subordonnait le versement des fonds à l’instruction préalable d’un dossier de prestations sociales par un organisme administratif spécialisé dans le droit des mineurs. Cette exigence imposait également aux bénéficiaires de respecter un délai de forclusion rigide fixé au premier juin 2017 pour soumettre leur demande de réparation pécuniaire. La décision souligne que « le versement des allocations ne peut intervenir que si une demande de prestations de chauffage et de logement a été formée » préalablement. Ces obstacles administratifs conditionnaient ainsi l’exercice d’un droit à réparation pourtant fondé sur la reconnaissance législative de violations graves des droits fondamentaux des grévistes.
B. L’exclusion arbitraire des ayants droit par l’inaction des ascendants
Le dispositif législatif créait une distinction manifeste entre les héritiers selon que leur auteur avait ou non sollicité certaines prestations sociales de son vivant auprès de l’administration. Le Conseil constitutionnel relève que les enfants de mineurs décédés avant l’entrée en vigueur de la loi se trouvaient irrémédiablement privés de tout droit à l’allocation. Ces dispositions opèrent « une différence de traitement entre les personnes admises à venir en représentation du mineur » selon les démarches administratives effectuées par ces derniers précédemment. La survie d’une créance indemnitaire dépendait ainsi d’un acte administratif contingent qui n’avait aucun lien direct avec la réalité des préjudices subis par la famille. Cette rupture d’égalité constatée par le Conseil appelle désormais une analyse de la conformité des critères de distinction au regard du but poursuivi par la loi.
II. La sanction d’une rupture d’égalité sans lien avec l’objet de la loi
La conformité d’une différence de traitement au principe d’égalité suppose que le critère retenu soit en rapport direct avec le but poursuivi par le législateur.
A. L’inadéquation du critère administratif au but de réparation sociale
L’objet fondamental de la réforme consistait à réparer les conséquences dommageables des licenciements politiques subis par les travailleurs de la mine et par leurs familles respectives. Or, les juges affirment de manière péremptoire que « ces différences de traitement sont sans rapport avec l’objet de la loi » qui visait la réparation des préjudices. L’utilisation d’une condition liée à des prestations de chauffage pour octroyer une indemnité de licenciement apparaît ainsi comme un critère de distinction totalement inopérant. Le Conseil rappelle que le législateur ne peut déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général que si la mesure est cohérente avec l’objectif affiché.
B. L’abrogation protectrice des droits fondamentaux des bénéficiaires
Le constat de la méconnaissance du principe d’égalité entraîne l’inconstitutionnalité immédiate des segments de phrases limitant indûment l’accès aux allocations prévues par le législateur. La juridiction décide qu’aucun motif ne justifie de reporter les effets de cette censure dont bénéficieront l’auteur de la question prioritaire et les autres justiciables. Cette déclaration d’inconstitutionnalité « intervient donc à compter de la date de la publication de la présente décision » pour s’appliquer à toutes les affaires non jugées. La suppression des verrous procéduraux permet ainsi de rétablir une égalité réelle entre tous les enfants de mineurs victimes des agissements discriminatoires de l’époque.