Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020

    Le Conseil constitutionnel, par une décision du 2 octobre 2020, s’est prononcé sur la conformité de l’article 144-1 du code de procédure pénale. Cette affaire pose la question fondamentale du droit pour un détenu provisoire de contester des conditions de détention contraires à la dignité humaine. Deux individus, placés sous écrou dans l’attente de leur jugement, dénonçaient l’impossibilité d’obtenir leur libération malgré la dégradation de leur environnement quotidien. La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis ces interrogations au juge constitutionnel par deux arrêts de renvoi datés du 8 juillet 2020. Les requérants soutenaient que le silence de la loi sur ce point constituait une incompétence négative du législateur affectant la dignité de la personne. Dès lors, le problème juridique résidait dans l’existence d’un recours effectif permettant au juge judiciaire de faire cesser une atteinte caractérisée à la sauvegarde humaine. La juridiction déclare la disposition contestée contraire à la Constitution car aucun recours ne permet au justiciable d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes. L’analyse de cette décision majeure impose d’étudier la reconnaissance constitutionnelle du principe de dignité avant d’envisager la nécessaire réforme des voies de recours actuelles.

**I. La reconnaissance d’une obligation constitutionnelle de garantie de la dignité**

**A. Le fondement textuel de la protection de la personne humaine**

    Le Préambule de la Constitution de 1946 réaffirme que tout être humain possède des droits inaliénables et sacrés contre toute forme de dégradation physique. Le Conseil constitutionnel déduit de ce texte que la « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement » est un principe constitutionnel. Cette exigence s’impose aux autorités judiciaires qui doivent veiller à ce que la privation de liberté soit mise en œuvre dans le respect de l’individu. En l’espèce, la décision souligne l’obligation de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de toute personne placée en détention provisoire.

**B. L’exigence législative d’un recours effectif et accessible**

    Il incombe au législateur de garantir aux détenus provisoires la possibilité de saisir un juge afin qu’il soit mis fin aux conditions indignes de vie. Le droit à un recours juridictionnel effectif découle directement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’année 1789. Par conséquent, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en ne prévoyant pas de procédure spécifique pour traiter les plaintes relatives à l’insalubrité carcérale. Cette carence législative prive les citoyens d’une protection concrète contre les traitements inhumains ou dégradants subis durant leur période d’incarcération avant leur procès.

**II. La censure de l’insuffisance des mécanismes de protection juridictionnelle**

**A. L’inadaptation des procédures administratives et judiciaires existantes**

    Le juge administratif peut être saisi en référé mais les mesures prononcées dépendent souvent de la capacité de l’administration à les appliquer très rapidement. Le Conseil affirme que ces pouvoirs « ne garantissent pas, en toutes circonstances, qu’il soit mis fin à la détention indigne » du justiciable demandeur. De même, le juge judiciaire est démuni puisque l’article 144-1 limite la mise en liberté aux seuls critères de durée raisonnable et de nécessité. Or, les conditions indignes de détention ne figurent pas parmi les causes de libération prévues par le code de procédure pénale dans sa version actuelle.

**B. Les modalités de la déclaration d’inconstitutionnalité et ses effets**

    Le Conseil constitutionnel déclare le second alinéa de l’article 144-1 contraire à la Constitution mais il décide de moduler les effets de cette censure juridique. L’abrogation immédiate de la loi entraînerait des conséquences manifestement excessives en empêchant toute remise en liberté fondée sur les critères de la durée raisonnable. Cependant, le report de l’inconstitutionnalité au 1er mars 2021 offre au Parlement le temps nécessaire pour adopter une loi conforme aux exigences de dignité. Cette jurisprudence historique impose désormais au juge judiciaire un rôle actif dans le contrôle permanent de la qualité de vie au sein des prisons.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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