Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-869 QPC du 4 décembre 2020

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 4 décembre 2020, une décision concernant la répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Des dispositions législatives rendaient applicables sur ce territoire des mesures d’exception destinées à lutter contre l’épidémie de covid-19. Les requérants contestaient l’application locale du régime de l’état d’urgence sanitaire malgré la compétence exclusive du territoire en matière de santé publique. Le Conseil d’État a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité par des décisions rendues le 28 septembre 2020 au secrétaire général du Conseil. Les auteurs des saisines invoquaient une méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales et des principes découlant de l’accord de Nouméa. La haute instance devait déterminer si l’extension de ce régime dérogatoire relevait de la compétence de l’État ou des institutions locales néo-calédoniennes. Les juges ont déclaré les dispositions conformes en rattachant les mesures de restriction aux garanties des libertés publiques relevant du pouvoir régalien. L’étude portera d’abord sur la qualification régalienne des mesures de crise avant d’examiner le maintien de l’équilibre institutionnel propre au territoire ultra-marin.

I. La qualification régalienne des mesures de gestion de crise sanitaire

A. La primauté de la garantie des libertés publiques sur l’objectif de santé

Le Conseil constitutionnel souligne que les mesures décidées en application du code de la santé publique visent à protéger la santé de la population. L’institution juge cependant que ces restrictions à la circulation ou à l’exercice des libertés individuelles relèvent principalement du domaine de la compétence étatique. Les juges affirment ainsi que ces décisions « se rattachent à la garantie des libertés publiques et ne relèvent donc pas de la compétence de la Nouvelle-Calédonie ». La nature des mesures, telles que le confinement ou la quarantaine, l’emporte sur la finalité sanitaire poursuivie par le législateur national. Cette interprétation permet à l’État d’intervenir uniformément sur l’ensemble du territoire national pour assurer le respect des droits et libertés fondamentaux des citoyens.

B. La reconnaissance d’un pouvoir d’exception strictement encadré

L’état d’urgence sanitaire ne peut être déclaré qu’« en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Le juge constitutionnel vérifie que les pouvoirs attribués au Premier ministre et au haut-commissaire restent proportionnés aux risques encourus par les populations locales. Les compétences de l’État en matière d’ordre public justifient l’application de mesures restrictives même dans les domaines habituellement transférés aux autorités de l’archipel. Le Conseil précise que ces mesures exceptionnelles sont « temporaires et limitées à la mesure strictement nécessaire pour répondre à une catastrophe sanitaire et à ses conséquences ». La protection de l’ordre public sanitaire demeure une mission régalienne prioritaire face à une crise mondiale dont l’ampleur dépasse les capacités locales.

II. La protection de la hiérarchie des compétences constitutionnelles

A. La délimitation stricte du domaine de santé publique transféré

L’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 attribue à la Nouvelle-Calédonie une compétence exclusive pour la réglementation de l’hygiène et de la santé. Le Conseil constitutionnel opère une distinction nécessaire entre la gestion quotidienne du système de soins et l’organisation exceptionnelle de la sécurité publique. L’extension du régime de sortie de crise est jugée « sans incidence sur les compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière de santé » par les sages. Cette décision préserve l’autonomie du territoire tout en affirmant l’unité de l’État pour ce qui concerne les missions de souveraineté et de sécurité. Les compétences transférées de façon définitive ne sauraient faire obstacle à l’exercice par l’État de ses prérogatives essentielles en période de péril imminent.

B. La portée de la décision sur l’équilibre de l’accord de Nouméa

Les juges rejettent les arguments fondés sur le principe d’irréversibilité de l’organisation politique découlant de l’accord de Nouméa signé le 5 mai 1998. La décision confirme que l’État reste seul compétent pour définir les « garanties des libertés publiques » conformément aux orientations de la loi organique en vigueur. Le Conseil constitutionnel valide l’habilitation du haut-commissaire pour adapter les mesures nationales aux circonstances locales après consultation du gouvernement de la collectivité ultra-marine. Cette solution garantit une collaboration harmonieuse entre les autorités nationales et locales sans remettre en cause la hiérarchie des normes fixée par la Constitution. La décision du 4 décembre 2020 sécurise juridiquement l’arsenal législatif nécessaire pour protéger efficacement les populations civiles face aux menaces sanitaires futures.

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Hassan KOHEN
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