Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 février 2021, une décision portant sur la conformité de dispositions législatives encadrant l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles sur le territoire national. Ce texte impose une autorisation administrative préalable pour l’utilisation de certains appareils de connexion, afin de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Des opérateurs privés ont contesté ce dispositif, invoquant une atteinte à la liberté d’entreprendre ainsi qu’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. La question prioritaire de constitutionnalité a été transmise par une décision du Conseil d’État rendue le 18 novembre 2020 dans le cadre d’un litige relatif à cette réglementation. Les requérants soutenaient que l’obligation de remplacer certains équipements déjà installés entraînait des coûts excessifs et portait une atteinte disproportionnée à la garantie des droits fondamentaux. Le litige interrogeait la capacité du législateur à restreindre les libertés économiques des exploitants de télécommunications au nom de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions conformes, jugeant que les limitations apportées aux droits constitutionnels demeuraient justifiées et proportionnées à l’objectif de sécurité nationale poursuivi. L’étude de cette décision porte sur la validation du régime d’autorisation avant d’envisager l’exclusion des griefs économiques et l’affirmation de la mutabilité nécessaire des normes juridiques.
I. La validation d’un régime d’autorisation fondé sur la protection des intérêts fondamentaux de la Nation
A. Un encadrement législatif justifié par les impératifs de sécurité nationale
Le Conseil souligne que le législateur a souhaité « prémunir les réseaux radioélectriques mobiles des risques d’espionnage, de piratage et de sabotage » issus du déploiement de la cinquième génération. Cette finalité met en œuvre les « exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation », principe supérieur justifiant des restrictions aux libertés économiques des exploitants. L’autorité administrative apprécie ainsi la menace en fonction du niveau de sécurité des appareils et des modalités de déploiement technique envisagées par chaque entreprise de réseau mobile. Ce contrôle préventif permet à l’État de conserver une maîtrise technologique sur les infrastructures de communication indispensables à la survie et au potentiel économique du pays tout entier.
B. Un champ d’application circonscrit garantissant la proportionnalité de la mesure
L’atteinte à la liberté d’entreprendre demeure proportionnée car le champ d’application du texte législatif est « doublement circonscrit » par des critères matériels et organiques extrêmement précis. L’autorisation obligatoire ne concerne que les équipements postérieurs à la quatrième génération dont les fonctions techniques présentent un risque avéré pour l’intégrité des messages transmis aux utilisateurs. Seules les entreprises désignées comme des opérateurs d’importance vitale sont soumises à cette contrainte spécifique, légitimant une surveillance particulière de la part des autorités régaliennes de l’État. La définition rigoureuse des motifs de refus garantit que le Premier ministre ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire excessif à l’égard des exploitants privés de réseaux radioélectriques. Cette protection des infrastructures critiques justifie des limitations dont les conséquences financières et juridiques ne peuvent être raisonnablement imputées à la responsabilité sans faute de la puissance publique.
II. L’exclusion des griefs économiques et l’affirmation de la mutabilité du droit
A. L’imputabilité des charges financières aux seuls choix stratégiques des opérateurs
Le juge constitutionnel estime que les dépenses liées au remplacement des matériels installés ne constituent pas une charge anormale devant être supportée par la collectivité nationale par l’indemnisation. Ces coûts financiers « résulteraient des seuls choix de matériels et de fournisseurs initialement effectués par les opérateurs », qui assument ainsi les risques inhérents à leur propre stratégie industrielle. L’État n’a pas reporté sur des acteurs privés des dépenses qui, par leur nature régalienne, devraient normalement incomber au budget de l’administration pour l’exercice de ses missions. La liberté d’entreprendre n’oblige pas la puissance publique à compenser les effets d’une régulation nécessaire à la sécurité globale des réseaux de communication sur le territoire français.
B. L’absence d’atteinte aux situations acquises et aux attentes légitimes
Le Conseil écarte le grief tiré de la garantie des droits en affirmant que les situations légalement acquises ne subissent aucune modification rétroactive de la part du nouveau texte. Le juge précise que « le fait d’être soumis à un régime d’autorisation répondant à certaines finalités ne peut faire naître l’attente légitime » d’une stabilité réglementaire absolue. Les exploitants ne pouvaient espérer que la législation n’évolue pas face aux enjeux majeurs de souveraineté nationale posés par le déploiement massif des nouvelles technologies de communication. La décision réaffirme la faculté de l’autorité législative de modifier le droit positif pour s’adapter aux menaces contemporaines sans être liée par les effets passés des textes antérieurs.