Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-882 QPC du 5 février 2021

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 février 2021, une décision capitale relative au contrôle de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles de cinquième génération. La juridiction était saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de plusieurs dispositions législatives encadrant le déploiement de ces infrastructures. Des sociétés commerciales contestaient l’instauration d’un régime d’autorisation administrative préalable pour l’installation d’équipements de réseaux, arguant d’une atteinte excessive à leurs libertés économiques.

Le litige trouve son origine dans l’adoption d’une loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Les requérants soutenaient que ce nouveau cadre les contraignait à des remplacements de matériels coûteux sans aucune forme d’indemnisation. Après une saisine par le Conseil d’État le 18 novembre 2020, les parties ont fait valoir la méconnaissance de la liberté d’entreprendre et de l’égalité devant les charges publiques. La juridiction devait alors déterminer si l’exigence de sécurité nationale justifiait les restrictions imposées aux exploitants de réseaux de télécommunications.

Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées conformes à la Constitution en soulignant leur caractère proportionné aux objectifs poursuivis. L’analyse de cette solution permet d’étudier la validation d’un régime préventif de sécurité (I), avant d’observer la conciliation opérée entre les impératifs régaliens et les libertés économiques (II).

**I. La validation d’un régime préventif au service de la sécurité stratégique**

**A. La protection des intérêts fondamentaux de la Nation comme fondement de la mesure**

La décision souligne que le législateur a souhaité « prémunir les réseaux radioélectriques mobiles des risques d’espionnage, de piratage et de sabotage ». Cette intention répond directement aux « exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ». La spécificité technique des réseaux de nouvelle génération impose une vigilance accrue de la part des autorités publiques.

Le juge constitutionnel reconnaît la légitimité d’une intervention étatique visant à sécuriser des infrastructures devenues essentielles au fonctionnement du pays. Cette protection justifie l’instauration d’un contrôle administratif strict dès la phase de déploiement des équipements matériels et logiciels.

**B. Un encadrement précis du pouvoir de contrôle de l’administration**

Le champ d’application de l’autorisation est « doublement circonscrit » par le législateur, limitant ainsi les risques d’arbitraire de la part du pouvoir exécutif. Seuls les opérateurs d’importance vitale sont concernés par ces dispositions en raison de l’influence de leur activité sur le potentiel économique et militaire national. Le contrôle porte exclusivement sur les appareils dont les fonctions présentent un risque pour la « permanence, l’intégrité, la sécurité ou la disponibilité du réseau ».

L’autorisation ne peut être refusée qu’en présence d’un « risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale ». Cette précision législative permet d’exclure toute décision infondée ou purement discrétionnaire de la part du Premier ministre. La mesure de police administrative ainsi validée s’articule avec une protection rigoureuse des libertés économiques des opérateurs.

**II. La conciliation rigoureuse entre impératifs régaliens et libertés économiques**

**A. Une atteinte proportionnée à la liberté d’entreprendre**

Les Sages estiment que la limitation de la liberté d’entreprendre n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif de sécurité nationale poursuivi par la loi. Ils considèrent que les charges financières découlant du remplacement éventuel de matériels « résulteraient des seuls choix de matériels et de fournisseurs initialement effectués par les opérateurs ». L’État ne saurait être tenu pour responsable des conséquences économiques de stratégies commerciales privées face à de nouvelles normes de sécurité.

Cette interprétation rejette l’idée d’une rupture d’égalité devant les charges publiques car les dispositions s’appliquent de manière uniforme à tous les exploitants. La protection de la souveraineté numérique prime ici sur les intérêts financiers immédiats des acteurs du marché des télécommunications.

**B. La préservation de la stabilité des situations juridiques acquises**

Le Conseil rejette le grief relatif à la garantie des droits en précisant que le nouveau régime est « dénué d’incidence sur les autorisations d’utilisation des fréquences ». Les opérateurs ne peuvent se prévaloir d’une attente légitime quant à l’absence de toute nouvelle réglementation de sécurité. Le régime préventif actuel répond à des finalités de défense nationale distinctes de celles protégeant la vie privée dans les textes législatifs antérieurs.

Le juge affirme qu’un exploitant ne peut légitimement espérer l’immobilisme législatif face à l’évolution des menaces pesant sur la sécurité de l’État. La décision confirme la capacité du législateur à adapter le droit positif aux enjeux technologiques contemporains sans méconnaître les droits acquis.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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