Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-889 QPC du 12 mars 2021

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 12 mars 2021, s’est prononcé sur la conformité de l’article premier de la loi du 21 janvier 1995. La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité par un arrêt rendu le 15 décembre 2020. Plusieurs requérants ainsi que des organisations intervenantes ont soutenu que le législateur avait méconnu l’étendue de sa propre compétence constitutionnelle. Ils critiquaient l’absence de garanties législatives entourant l’usage par les forces de l’ordre de la technique dite de l’encerclement des manifestants. Le litige posait la question de la proportionnalité des atteintes portées à la liberté d’aller et de venir par ce silence législatif. Le Conseil constitutionnel a déclaré la disposition conforme, estimant qu’elle se limite à définir une mission générale sans en préciser les moyens. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la consécration d’une mission de sécurité avant d’apprécier la portée de l’incompétence négative écartée.

I. La consécration législative d’une mission régalienne de sécurité

A. La définition de l’obligation étatique de maintien de l’ordre

Les juges de la rue de Montpensier rappellent que la sécurité constitue une condition nécessaire à l’exercice effectif des libertés individuelles et collectives. L’article premier de la loi du 21 janvier 1995 dispose que les pouvoirs publics doivent assurer la protection des personnes ainsi que l’ordre public. La décision souligne que « ces dispositions législatives ont pour seul objet de reconnaître à l’État la mission générale de maintien de l’ordre public ». Cette formulation confirme la nature régalienne d’une activité dont le fondement textuel se trouve ainsi conforté par la plus haute juridiction constitutionnelle. Cependant, la généralité de cette mission suscite des interrogations quant à la précision attendue du législateur lorsqu’il organise les compétences des autorités.

B. L’écartement du grief tiré de l’incompétence négative

Les requérants soutenaient que le législateur aurait dû encadrer les techniques de maintien de l’ordre pour protéger la liberté de communication et d’expression. Le Conseil répond que les mots visés par la saisine « ne définissent pas les conditions d’exercice de cette mission et notamment pas les moyens utilisables ». Dès lors, il n’appartient pas au législateur de détailler chaque procédé technique dans un texte dont l’objet demeure strictement programmatique et généraliste. L’incompétence négative n’est constituée que si l’absence de dispositions affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit expressément. Cette rigueur dans l’appréciation du grief permet de distinguer les objectifs de sécurité des mesures concrètes de police qui relèvent d’autres cadres juridiques.

II. La portée mesurée du contrôle sur les dispositions de principe

A. L’absence d’exigence de précision technique pour les objectifs généraux

Le juge constitutionnel refuse de censurer une disposition au motif qu’elle ne contient pas les garanties spécifiques applicables à une pratique policière déterminée. Cette position évite une extension excessive de l’obligation de précision législative qui pourrait paralyser la rédaction des lois de programmation ou d’orientation. Le commentaire doit noter qu’ « il ne peut donc leur être reproché d’encadrer insuffisamment le recours par l’État » à la technique de l’encerclement. La valeur de cette décision réside dans la préservation d’une souplesse législative nécessaire à l’énoncé de grandes orientations politiques en matière de sécurité. Toutefois, ce rejet ne signifie pas une immunité totale pour les pratiques administratives dont la conformité aux droits fondamentaux demeure soumise au juge.

B. La préservation de l’office du juge face aux pratiques de police

En déclarant le texte conforme, le Conseil constitutionnel ne valide pas pour autant la pratique de l’encerclement au regard des exigences de proportionnalité. Il précise simplement que la loi critiquée n’est pas le siège juridique approprié pour contester les modalités de mise en œuvre de la force publique. La portée de cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence classique séparant les missions législatives fondamentales des actes matériels d’exécution de la police administrative. Les victimes éventuelles d’abus lors de manifestations conservent la possibilité de saisir les juridictions compétentes pour obtenir la réparation de leurs préjudices. La décision du 12 mars 2021 maintient donc un équilibre entre la reconnaissance des devoirs publics et la sauvegarde des libertés individuelles.

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Hassan KOHEN
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