Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 mars 2021 d’un texte organique relatif à la simplification des expérimentations territoriales. Cette réforme s’inscrit dans le mouvement de décentralisation favorisant l’adaptation des normes aux réalités géographiques et sociales de chaque territoire. L’autorité de saisine a sollicité l’examen de la conformité de ces nouvelles dispositions au regard des principes constitutionnels de l’unité nationale. Le texte modifie le code général des collectivités territoriales pour assouplir les modalités de dérogation aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur. La procédure de contrôle s’exerce ici a priori sur une loi organique avant sa promulgation définitive par le Président de la République. Le litige porte principalement sur la conciliation entre la liberté d’expérimentation locale et le contrôle administratif exercé par le représentant de l’État. La question posée est de savoir si l’allègement des formalités procédurales ne porte pas atteinte aux prérogatives régaliennes de surveillance des actes. Le juge doit également déterminer si le maintien de mesures expérimentales pérennes respecte le principe d’égalité devant la loi de 1789. Les magistrats valident l’ensemble du dispositif législatif en rappelant les garanties offertes par le contrôle de légalité et l’égalité républicaine.
I. La simplification des modalités d’expérimentation sous le regard du contrôle étatique
A. Un assouplissement procédural au profit des collectivités territoriales
L’article 2 de la loi organique supprime l’autorisation préalable obligatoire pour participer à une expérimentation législative ou réglementaire nationale. Désormais, une délibération locale suffit pour décider de l’application de mesures dérogatoires dans le ressort territorial de la collectivité intéressée. Cette mesure renforce l’autonomie des élus locaux en simplifiant l’accès au droit à l’expérimentation prévu par l’article 72 de la Constitution. Le législateur souhaite ainsi dynamiser l’innovation territoriale en réduisant les délais administratifs nécessaires au lancement des projets de politiques publiques. La publication au support officiel de cette décision d’engagement assure la transparence nécessaire à l’information des citoyens et des services étatiques.
B. La garantie préservée du contrôle administratif de légalité
Le juge constitutionnel précise que le caractère exécutoire des actes locaux ne dépend pas systématiquement de leur transmission immédiate au représentant étatique. La décision affirme qu’« aucune exigence constitutionnelle n’impose que le caractère exécutoire des actes dépende de leur transmission au représentant de l’État ». Le respect de l’article 72 de la Constitution est assuré par le maintien effectif du contrôle de légalité exercé par le préfet. Ce dernier conserve la faculté de déférer tout acte suspect d’illégalité devant le tribunal administratif pour obtenir son annulation ou sa suspension. Les articles 2 à 4 de la loi organique respectent donc les missions de surveillance confiées aux autorités déconcentrées de la République.
II. Le cadre constitutionnel du maintien et de l’extension des expérimentations
A. La pérennisation des mesures dérogatoires après évaluation
L’article 6 du texte permet au Parlement de transformer des mesures expérimentales en dispositions pérennes après une phase d’évaluation rigoureuse. La loi peut désormais prévoir le maintien de ces dérogations dans les territoires participants ou leur extension progressive à d’autres zones géographiques. Cette possibilité offre une sécurité juridique indispensable aux acteurs locaux souhaitant stabiliser des dispositifs ayant prouvé leur efficacité au plan local. Le juge valide cette souplesse législative qui permet de tester des réformes à petite échelle avant de les intégrer durablement dans l’ordre juridique. L’adaptation de la norme aux spécificités territoriales devient ainsi un outil de modernisation de l’action publique au service de l’intérêt général.
B. Le respect impératif de l’égalité devant la loi comme limite
Le principe d’égalité implique que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » selon la Déclaration. Le Conseil constitutionnel souligne que « le législateur ne saurait maintenir à titre pérenne des mesures sans les étendre aux autres collectivités identiques ». Cette réserve d’interprétation interdit au pouvoir législatif de créer des régimes juridiques différents pour des situations géographiques ou sociales strictement équivalentes. L’extension des mesures doit obligatoirement concerner toutes les collectivités présentant les caractéristiques justifiant initialement la dérogation au droit commun de la République. La protection du principe d’égalité garantit ainsi l’unité de l’État tout en permettant les expérimentations nécessaires au progrès social et économique.