Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-820 DC du 1 juillet 2021

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 juin 2021 par le président du Sénat d’une résolution visant à moderniser le fonctionnement interne de cette assemblée. Cette décision, rendue le 1er juillet 2021, intervient dans le cadre du contrôle obligatoire des modifications apportées au règlement des assemblées parlementaires par l’article 61 de la Constitution. La résolution adoptée par la chambre haute tend à améliorer le suivi des ordonnances, à rénover le droit de pétition et à renforcer la parité. Elle soulève la question de la conciliation entre l’autonomie réglementaire des assemblées et le respect des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement. Le juge constitutionnel doit également s’assurer que les nouvelles limitations du temps de parole ne portent pas atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat. L’examen de la conformité de ces dispositions nécessite d’analyser d’abord l’encadrement des outils de contrôle parlementaire avant d’étudier la rationalisation des procédures de délibération.

I. L’encadrement des outils de contrôle et des prérogatives normatives

Le texte soumis au Conseil constitutionnel précise les modalités d’information du Sénat sur les projets d’ordonnances tout en limitant l’initiative parlementaire en cette matière. Cette double démarche vise à renforcer le contrôle de l’action gouvernementale sans empiéter sur les compétences propres du pouvoir exécutif.

A. La consécration d’un suivi accru des ordonnances de l’article 38

L’article 2 de la résolution organise une transmission d’informations par le Gouvernement concernant le calendrier prévisionnel des ordonnances qu’il envisage de publier. Le Conseil constitutionnel valide ce dispositif en soulignant qu’il participe à la mission d’évaluation des politiques publiques confiée au Parlement par l’article 24 de la Constitution. Toutefois, la haute instance précise que « les informations susceptibles d’être ainsi données par le Gouvernement sur le calendrier prévisionnel de publication de ces ordonnances, qui n’ont qu’un caractère indicatif, ne lient pas celui-ci ». Le juge préserve ainsi la liberté d’action du pouvoir exécutif dans l’exercice de la compétence qu’il tient directement de l’article 38 de la Constitution. Cette solution garantit que l’obligation d’information ne se transforme pas en une contrainte juridique susceptible de paralyser l’activité normative du Gouvernement. La transparence souhaitée par le Sénat demeure donc subordonnée au respect de la hiérarchie des normes et des équilibres institutionnels.

B. La préservation de l’initiative gouvernementale exclusive

L’article 3 de la résolution interdit les amendements parlementaires tendant à autoriser le Gouvernement à prendre des mesures par voie d’ordonnances ou à étendre une telle autorisation. Le Conseil constitutionnel juge cette interdiction conforme en rappelant que « seul le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances… des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Cette règle protège l’équilibre des pouvoirs en empêchant les parlementaires de déléguer leur compétence législative sans une sollicitation expresse de l’autorité exécutive. Le règlement du Sénat ne fait ici que traduire une exigence constitutionnelle stricte découlant de la lecture combinée des articles 34 et 38 de la Constitution. En validant cette irrecevabilité, le juge constitutionnel confirme la protection du domaine de la loi contre toute dénaturation de la procédure d’habilitation législative. L’organisation du travail parlementaire s’accompagne par ailleurs d’une réforme des modalités de discussion en séance publique pour assurer l’efficacité des débats.

II. La rationalisation des procédures de délibération et la sincérité des débats

La résolution introduit des mesures de réduction du temps de parole et une motion spécifique pour les propositions de loi référendaires. Le Conseil constitutionnel veille à ce que cette recherche d’efficacité ne sacrifie pas la qualité de l’expression démocratique au sein de l’enceinte parlementaire.

A. La limitation du temps de parole sous réserve de sincérité

Les articles 10, 11 et 13 de la résolution visent à réduire les durées d’intervention des sénateurs lors de l’examen de certains textes ou motions. Le Conseil constitutionnel admet la constitutionnalité de ces limitations tout en formulant des réserves d’interprétation importantes concernant la conduite des séances. Il souligne que « la limitation de la durée de ces interventions à trois minutes ne saurait être mise en œuvre de telle manière qu’elle prive d’effet les exigences de clarté et de sincérité du débat ». Le président de séance se voit confier la responsabilité de garantir que chaque groupe puisse exprimer ses arguments de façon effective malgré la brièveté des délais. Cette exigence de sincérité, fondée sur l’article 6 de la Déclaration de 1789, fait obstacle à une application purement comptable du temps de parole. Le juge constitutionnel protège ainsi le droit de chaque parlementaire de contester la validité juridique d’un texte avant son adoption définitive.

B. L’effectivité du droit au référendum par la motion de non-examen

L’article 12 de la résolution crée une motion permettant au Sénat de refuser l’examen d’une proposition de loi déposée dans le cadre du référendum d’initiative partagée. Le Conseil constitutionnel considère que cette disposition a « uniquement pour objet de garantir l’effectivité du droit reconnu à chaque assemblée d’obtenir l’organisation d’un référendum ». En refusant d’examiner le texte, le Sénat permet en effet au délai de six mois de courir sans que la procédure ne soit interrompue par un vote. Cette motion constitue un outil procédural paradoxal qui assure la souveraineté du peuple en organisant l’abstention délibérée de la représentation nationale. Le juge vérifie que cette procédure n’empêche pas une inscription ultérieure du texte à l’ordre du jour si les circonstances politiques venaient à changer. Cette décision équilibre les droits du Parlement avec les mécanismes de démocratie directe introduits lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

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Hassan KOHEN
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