Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2021-822 DC du 30 juillet 2021, s’est prononcé sur la conformité de la loi relative au terrorisme. Les auteurs de la saisine contestaient la proportionnalité de diverses mesures de police administrative ainsi que des dispositions relatives aux archives nationales. La question centrale repose sur l’équilibre entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect des libertés fondamentales garanties. Le juge a partiellement censuré le texte en invalidant l’allongement de la surveillance et une disposition inintelligible relative aux délais de jugement. L’examen des limites imposées aux mesures administratives précède l’analyse des dispositifs de sûreté et des règles relatives aux archives publiques.
I. La délimitation constitutionnelle des mesures individuelles de contrôle administratif
A. La protection du domicile face aux mesures d’interdiction de paraître
L’autorité administrative a souhaité interdire à une personne de paraître dans certains lieux pour prévenir tout risque d’acte terroriste imminent. Les auteurs du recours soutenaient que cette mesure pouvait porter atteinte à l’inviolabilité du domicile en l’absence d’exclusion explicite. Le juge rappelle qu’il appartient au législateur de concilier la prévention des atteintes à l’ordre public avec le respect de la vie privée. Il précise que « l’interdiction de paraître, qui ne peut concerner qu’un lieu dans lequel se déroule un tel événement, ne peut comprendre le domicile de l’intéressé ». Cette réserve d’interprétation garantit que l’exercice des pouvoirs de police ne conduise pas à une éviction arbitraire de la personne de sa propre résidence.
B. La sanction de la durée excessive et de l’inintelligibilité des délais
La loi prévoyait d’allonger à vingt-quatre mois la durée maximale des mesures individuelles de contrôle pour les personnes condamnées pour terrorisme. Le juge considère que « le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée » entre les impératifs de sécurité et la liberté d’aller et venir. En conséquence, la durée cumulée de ces mesures ne saurait excéder douze mois sans méconnaître les principes fondamentaux de la Constitution. Le texte mentionnait également un délai de jugement de soixante-douze heures devant la juridiction administrative pour contester le renouvellement des mesures. Cette disposition est censurée car « en faisant référence à un délai de jugement de soixante-douze heures, les dispositions contestées sont inintelligibles ».
II. L’encadrement des dispositifs de sûreté et de l’accès aux secrets de l’État
A. La validation conditionnée de la mesure judiciaire de prévention de la récidive
Le texte institue une mesure judiciaire applicable aux auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine en raison de leur particulière dangerosité. Le Conseil constitutionnel précise que « cette mesure n’est ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition ». Sa conformité est admise car elle repose sur une évaluation pluridisciplinaire et une décision motivée de la juridiction de l’application des peines. La mesure doit être strictement nécessaire et proportionnée à l’objectif de lutte contre le terrorisme poursuivi par les autorités publiques. Le respect du débat contradictoire et la possibilité d’un recours effectif assurent la protection des droits de la défense durant la surveillance.
B. La conciliation entre droit d’accès aux archives et sauvegarde des intérêts fondamentaux
La loi modifie le code du patrimoine pour prolonger la durée d’incommunicabilité de documents d’archives publiques relatifs à la sûreté nationale. Le droit d’accès aux documents administratifs découle de la Déclaration de 1789 qui permet à la société de demander compte aux agents publics. Le juge estime que des limitations sont possibles si elles sont « justifiées par l’intérêt général » sans entraîner d’atteintes disproportionnées. Il émet toutefois des réserves afin que ces restrictions ne s’appliquent pas aux informations déjà accessibles au public par d’autres moyens. Sous ces conditions, le dispositif est déclaré conforme car il protège efficacement les capacités techniques des services de renseignement.