Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 août 2021, une décision d’importance majeure relative à la loi confortant le respect des principes de la République. Plusieurs membres de l’Assemblée nationale et du Sénat ont saisi la juridiction afin de contester la conformité de nombreuses dispositions à la Constitution de 1958. Les requérants dénonçaient notamment des atteintes excessives à la liberté d’association, à la liberté d’enseignement ainsi qu’au droit au séjour des étrangers.
Le litige portait initialement sur la création d’un contrat d’engagement républicain pour les associations et sur la modification du régime de l’instruction en famille. La procédure législative a également été critiquée par les députés en raison de l’irrecevabilité opposée à certains amendements lors des débats parlementaires. Le juge constitutionnel devait déterminer si les restrictions apportées par le législateur respectaient l’équilibre entre la sauvegarde de l’ordre public et l’exercice des libertés fondamentales.
La juridiction a validé l’essentiel du texte mais a prononcé des censures ciblées concernant la suspension des activités associatives et le retrait des titres de séjour. Elle a également assorti sa décision de plusieurs réserves d’interprétation pour encadrer le pouvoir de l’administration dans l’application des nouveaux dispositifs législatifs. Cette analyse globale permet d’appréhender le renforcement de la tutelle administrative sur les groupements privés et les modalités d’éducation.
I. La consécration d’un contrôle administratif renforcé des libertés publiques
L’extension du contrôle sur les groupements associatifs constitue le premier axe de la décision rendue par les juges du Palais-Royal. Le Conseil constitutionnel a admis la création d’un contrat d’engagement républicain pour les organismes sollicitant des subventions publiques auprès d’une autorité administrative. Il estime que le législateur a défini avec une précision suffisante les obligations imposées, incluant le respect des principes de liberté et d’égalité.
Les juges ont considéré que cette mesure « n’a pas pour objet d’encadrer les conditions dans lesquelles une association se constitue et exerce son activité ». Cette validation permet à l’administration de vérifier que l’objet et les actions des bénéficiaires de fonds publics ne troublent pas gravement la tranquillité publique. Le Conseil confirme ainsi la possibilité de subordonner l’aide financière de l’État au respect de valeurs républicaines clairement identifiées.
La mutation du régime juridique de l’instruction en famille illustre également cette volonté de renforcer la surveillance des parcours éducatifs individuels. L’article 49 de la loi soumet désormais cette modalité d’enseignement à une autorisation préalable de l’autorité académique au lieu d’une simple déclaration. Les requérants soutenaient que ce changement de paradigme méconnaissait la liberté d’enseignement reconnue par les principes fondamentaux de la République.
Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en affirmant que l’instruction en famille n’est qu’une « modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire » et non une composante de la liberté d’enseignement. La loi du 28 mars 1882 n’aurait pas érigé cette pratique au rang de principe constitutionnel intangible selon l’interprétation souveraine des juges. L’administration dispose donc d’un pouvoir nouveau pour apprécier la situation propre de chaque enfant et la capacité des parents à instruire.
II. La garantie constitutionnelle contre l’arbitraire et la disproportion
L’annulation des mesures imprécises ou excessives démontre que le Conseil constitutionnel demeure vigilant face aux prérogatives croissantes du ministre de l’Intérieur. Il a notamment censuré le dispositif permettant de suspendre les activités d’une association faisant l’objet d’une procédure de dissolution administrative. Cette mesure de police, qualifiée de disproportionnée, pouvait durer six mois sans qu’un trouble grave à l’ordre public ne soit préalablement établi.
La décision souligne que le législateur a porté une atteinte qui n’est pas « nécessaire, adaptée et proportionnée » à la liberté d’association garantie par le bloc de constitutionnalité. De même, le retrait de titres de séjour fondé sur la seule manifestation d’un rejet des principes de la République a été jugé inconstitutionnel. Le juge a considéré que ces dispositions méconnaissaient l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi en raison de leur caractère équivoque.
La limitation du pouvoir discrétionnaire par les réserves d’interprétation vient compléter ce dispositif de protection des droits des citoyens face à l’administration. Concernant le retrait des subventions, le Conseil précise que cette sanction ne saurait conduire à la restitution de sommes versées antérieurement au manquement constaté. Cette réserve protège la sécurité financière des groupements associatifs contre une application rétroactive de la sanction administrative.
Le régime de l’instruction en famille est également encadré par une réserve imposant aux autorités académiques de fonder leurs décisions sur des critères objectifs. L’autorisation doit être accordée dès lors que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l’enseignement adaptés aux capacités de l’enfant. Les juges imposent ainsi un contrôle juridictionnel strict pour prévenir toute discrimination ou usage arbitraire des motifs liés à l’intérêt supérieur de l’élève.