Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 5 août 2021, se prononce sur la conformité de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire. Ce contrôle intervient après l’adoption par les représentants de la Nation d’un dispositif étendant l’usage du passe sanitaire à diverses activités quotidiennes. Les autorités requérantes contestent la proportionnalité des atteintes portées à la liberté d’aller et de venir ainsi qu’au droit au respect de la vie privée. Le problème juridique repose sur la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et l’exercice des libertés publiques fondamentales. Le juge valide l’extension du passe sanitaire sous conditions mais censure l’isolement automatique des personnes contaminées et la rupture discriminatoire des contrats courts.

I. La recherche d’un équilibre entre l’impératif de santé publique et les libertés fondamentales

A. La validation de l’extension proportionnée du contrôle sanitaire

Le juge constitutionnel reconnaît que le législateur poursuit un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé découlant du Préambule de 1946. En étendant le passe sanitaire, les pouvoirs publics ont entendu limiter la circulation du virus dans des lieux de brassage important de population. La juridiction précise que « le législateur a réservé leur application à des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes ». Cette limitation garantit que l’entrave à la liberté d’aller et de venir reste proportionnée au risque épidémique constaté par les autorités scientifiques. Le dispositif est par ailleurs validé en raison de son caractère temporaire puisque son application demeure limitée à une période de risque accru.

B. La préservation de l’accès aux besoins essentiels et à la liberté d’entreprendre

La conformité de la loi est également subordonnée au maintien de l’accès des citoyens aux biens et aux services de première nécessité. Le juge souligne l’importance de garantir cet accès dans les grands magasins et les centres commerciaux par une décision motivée du représentant de l’État. Concernant les exploitants, l’obligation de contrôle du passe sanitaire ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre des acteurs économiques. La vérification de la situation de chaque client est mise en œuvre en un temps bref sans nécessiter de moyens humains excessivement contraignants. Cette mesure assure ainsi un contrôle effectif des prescriptions sanitaires tout en respectant la viabilité économique des établissements recevant du public.

II. La sanction nécessaire des atteintes excessives aux garanties individuelles

A. La censure de la privation de liberté sans contrôle judiciaire effectif

La juridiction censure le dispositif prévoyant un placement en isolement obligatoire et automatique pour toute personne dont le test de dépistage s’avère positif. Cette mesure constitue une privation de liberté au sens de la Constitution car elle interdit de sortir du lieu d’hébergement sous peine de sanction. Le juge affirme qu’« une mesure privative de liberté s’applique sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l’autorité administrative ou judiciaire ». L’absence d’examen de la situation personnelle des individus ne permet pas de garantir que la contrainte demeure strictement nécessaire et adaptée. La protection de la liberté individuelle exige que l’autorité judiciaire puisse exercer sa mission de gardienne des libertés dès le début de la mesure.

B. Le rejet des discriminations injustifiées entre les catégories de travailleurs

Le contrôle de constitutionnalité porte enfin sur les conséquences du défaut de présentation du passe sanitaire sur les relations de travail des salariés concernés. Le législateur avait prévu que l’absence de justificatif pourrait entraîner la rupture anticipée des contrats à durée déterminée ou des contrats de mission. Le juge censure cette disposition car « le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leur contrat de travail ». Les travailleurs sont tous exposés au même risque de contamination indépendamment du cadre juridique régissant leur emploi au sein de l’entreprise. Cette distinction arbitraire méconnaît le principe d’égalité devant la loi alors que l’objectif de protection de la santé publique demeure identique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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