Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-831 DC du 23 décembre 2021

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 23 décembre 2021, une décision marquante relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ce texte organise le cadre pluriannuel des dépenses étatiques en intégrant des mécanismes de programmation au sein de la loi organique initiale. Saisi par le Premier ministre le 25 novembre 2021, le juge constitutionnel devait examiner la conformité de trente-trois articles réformant la structure budgétaire. La procédure législative respecte les exigences de l’article 46 de la Constitution pour garantir la validité formelle de l’adoption de la loi. Le litige porte sur l’équilibre entre les nouveaux pouvoirs d’investigation du Parlement et la protection effective des libertés individuelles fondamentales. Les requérants s’interrogent sur la portée des habilitations permettant aux commissions des finances d’accéder à des données couvertes par le secret fiscal. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la réforme. Il censure toutefois l’extension illimitée du droit d’accès aux informations statistiques à tout agent public. Cette décision précise les contours de la transparence financière tout en érigeant le respect de la vie privée en rempart contre des contrôles excessifs. Le juge constitutionnel consacre d’abord le renforcement de la transparence budgétaire. Il limite ensuite l’extension des prérogatives parlementaires au nom des libertés fondamentales.

I. Le renforcement de la transparence budgétaire par la rénovation du cadre organique

A. L’inscription de la programmation pluriannuelle dans le cadre financier

L’article premier de la loi déférée insère un titre préliminaire dans l’ordonnance organique du 1er août 2001 pour fixer des objectifs de dépense pluriannuels. Cette innovation permet de déterminer une trajectoire financière en volume et en valeur pour l’ensemble des administrations publiques sur plusieurs exercices budgétaires. Le Conseil constitutionnel estime que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution car elles précisent utilement les orientations de l’article 34. La création d’une loi de finances de fin de gestion remplace également les anciennes pratiques pour stabiliser les crédits avant la clôture annuelle.

La réforme modifie la nomenclature budgétaire afin de distinguer plus clairement les dépenses d’investissement des charges de fonctionnement au sein du tableau d’équilibre. Le législateur organique a entendu réserver l’examen des impositions affectées à des tiers à la première partie de la loi de finances de l’année. Cette organisation rationnelle des ressources publiques assure une meilleure lisibilité des choix budgétaires lors des débats devant les assemblées parlementaires nationales. La sincérité de la programmation doit désormais s’apprécier au regard des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler.

B. L’intensification de l’information parlementaire par l’appui d’organismes techniques

Le législateur a entendu renforcer l’assistance fournie par le Haut conseil des finances publiques lors de l’examen des prévisions macroéconomiques de chaque projet. Cette instance doit se prononcer sur le réalisme des recettes envisagées afin de garantir la sincérité globale des lois de finances présentées. Les articles 17 et 20 de la loi organique avancent parallèlement les dates de dépôt des documents budgétaires pour améliorer l’information des parlementaires. Sous réserve que ces délais ne bloquent pas la continuité de la vie nationale, le Conseil valide ces mécanismes de contrôle accrus.

L’obligation de transmettre les documents budgétaires européens au Parlement quinze jours avant leur présentation aux institutions de l’Union européenne favorise un débat démocratique. Le juge souligne que l’examen des lois de finances constitue un cadre privilégié pour la mise en œuvre du droit garanti par la Déclaration. Cette transparence accrue permet aux représentants des citoyens de suivre l’emploi des contributions publiques et d’en déterminer librement la quotité et l’assiette. L’examen de la validité de ces nouveaux outils budgétaires conduit le juge à s’interroger sur les limites des pouvoirs d’enquête des commissions parlementaires.

II. La protection des libertés individuelles face à l’extension des pouvoirs d’investigation

A. Le droit au respect de la vie privée comme limite aux délégations de contrôle

L’article 26 de la loi organique renforce les pouvoirs des présidents des commissions des finances en leur ouvrant l’accès à l’ensemble des données statistiques. Le juge énonce que « les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et mises en œuvre de manière proportionnée ». La possibilité de désigner tout agent public pour accéder à des informations couvertes par le secret fiscal constitue une menace pour la vie privée. Le secret statistique doit être préservé afin de garantir la confidentialité des données personnelles collectées lors des opérations de détermination de l’impôt.

Le Conseil censure les termes litigieux car le législateur ne peut déléguer un tel pouvoir d’investigation sans définir précisément les fonctions des bénéficiaires. La transmission d’informations nominatives à des agents publics non identifiés par la loi organique excède les nécessités du contrôle de l’exécution budgétaire. Cette décision protège les citoyens contre des intrusions injustifiées dans leur sphère privée tout en maintenant les prérogatives essentielles des responsables des commissions. Le respect de la Constitution impose une conciliation étroite entre l’efficacité du contrôle parlementaire et la sauvegarde des libertés individuelles fondamentales.

B. La préservation de la continuité nationale par l’usage des réserves d’interprétation

La décision instaure plusieurs réserves d’interprétation pour éviter que des retards administratifs ne paralysent l’adoption du budget annuel par les assemblées parlementaires nationales. Le non-respect des nouveaux délais de transmission des rapports ne saurait faire obstacle à la mise en discussion des projets de lois de finances. Le juge privilégie l’impératif de sincérité et les exigences de la continuité étatique sur la rigueur purement procédurale des transmissions documentaires. Cette approche pragmatique assure la survie de la réforme organique tout en maintenant un contrôle juridictionnel vigilant sur l’usage des fonds.

La conformité des lois de finances sera appréciée au regard tant des exigences de continuité de la vie nationale que de l’impératif de sincérité. Le Gouvernement conserve sa liberté d’appréciation dans la conduite de la politique de la Nation conformément aux dispositions de l’article 20 de la Constitution. Les dispositions relatives au mécanisme de correction des écarts de trajectoire budgétaire ne portent pas atteinte aux prérogatives gouvernementales lors de l’exécution. Cette décision du 23 décembre 2021 stabilise ainsi le nouveau cadre de gestion publique en garantissant la suprématie des principes constitutionnels.

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Hassan KOHEN
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