Le Conseil constitutionnel a rendu, le 16 décembre 2021, la décision n° 2021-832 DC portant sur la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022. Plusieurs sénateurs ont saisi la juridiction afin de contester la validité de nombreuses dispositions, dénonçant principalement l’existence de cavaliers sociaux et des irrégularités procédurales. Les requérants soutenaient que certains articles n’avaient aucune incidence réelle sur l’équilibre financier des régimes obligatoires, méconnaissant ainsi le cadre organique de la Constitution. La question posée au juge concernait la détermination du périmètre légitime de la loi de financement et le respect des trajectoires pluriannuelles de désendettement social. Le Conseil a censuré plusieurs articles étrangers au domaine financier, tout en validant les mécanismes de dotation hospitalière ayant un impact direct sur les dépenses publiques. L’étude portera d’abord sur la définition rigoureuse du domaine des lois de financement, puis sur le contrôle strict de la procédure et de la trajectoire financière.
I. La définition rigoureuse du domaine des lois de financement
A. Le critère déterminant de l’impact financier des dispositions
Le juge examine si les mesures critiquées modifient les conditions générales de l’équilibre financier des régimes de base ou des organismes concourant au financement. Concernant l’article 6, le Conseil estime que le report des dotations hospitalières constitue une « disposition ayant un effet sur les dépenses de l’année des régimes obligatoires ». La validation de ce report repose sur la constatation d’une incidence budgétaire réelle, bien que l’opération soit liée au désendettement des établissements de santé. Le Conseil refuse de considérer cette mesure comme étrangère à l’objet financier de la loi, préservant ainsi la cohérence de l’enveloppe budgétaire votée par le Parlement.
B. La sanction systématique des cavaliers sociaux dépourvus d’incidence
Inversement, la décision prononce l’inconstitutionnalité de nombreux articles car ils « n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses » des régimes sociaux. Sont ainsi censurées des mesures relatives à la recherche médicale, à l’encadrement des centres de santé ou à la gestion des matériels médicaux. Ces dispositions sont jugées étrangères au domaine obligatoire ou facultatif des lois de financement défini par l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. La juridiction protège la spécificité de ce vecteur législatif en écartant les réformes structurelles n’ayant pas de traduction monétaire immédiate et quantifiable. Cette rigueur dans la délimitation du domaine de la loi financière s’accompagne d’une vigilance accrue sur le pilotage des comptes sociaux.
II. Le contrôle strict des procédures et des trajectoires financières
A. La conformité des mécanismes de pilotage et de désendettement
L’examen de l’article 35 permet au juge de préciser que l’approbation d’un rapport de trajectoire pluriannuelle ne vaut pas transfert effectif de dette sociale. Les requérants invoquaient une violation de l’obligation d’amortissement, mais le Conseil relève que ces prévisions financières ne créent aucun droit nouveau immédiatement opposable. Il souligne que les dispositions contestées « n’ont ainsi ni pour objet ni pour effet de procéder à de nouveaux transferts de dette » à l’organisme d’amortissement. La validation de la trajectoire quadriennale confirme la latitude laissée au législateur pour définir les objectifs de dépenses sans méconnaître les principes organiques.
B. La préservation de la régularité du débat et de l’information parlementaire
Le juge constitutionnel sanctionne également les demandes de rapports qui n’améliorent pas l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois financières annuelles. Par ailleurs, le contrôle de la procédure d’adoption en nouvelle lecture vérifie l’existence d’une relation directe entre les amendements et les dispositions restant en discussion. La décision rappelle que « les adjonctions ou modifications » doivent respecter les exigences de l’article 45 de la Constitution pour garantir la sincérité législative. Ce contrôle garantit que le processus parlementaire ne soit pas dévoyé par l’introduction de mesures complexes sans lien réel avec le projet de loi initial.