Le Conseil constitutionnel a rendu, le 4 juin 2021, une décision fondamentale concernant les régimes d’isolement et de contention dans le cadre des soins psychiatriques contraints. Cette question prioritaire de constitutionnalité examinait si les dispositions du code de la santé publique respectaient les exigences de protection de la liberté individuelle des patients. Plusieurs personnes hospitalisées sans leur consentement ont contesté la possibilité pour un médecin de prolonger ces mesures de force au-delà des durées maximales légales.
La première chambre civile de la Cour de cassation a transmis ces interrogations au Conseil constitutionnel par trois arrêts distincts en date du 1er avril 2021. Les requérants soutiennent que le mécanisme de simple information du juge, prévu par le législateur, ne permet pas de garantir efficacement le respect de l’article 66. Il s’agit de savoir si le défaut de contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention lors d’une prolongation exceptionnelle méconnaît la Constitution française.
Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées contraires à la Constitution car elles autorisent un maintien en isolement sans l’intervention obligatoire et rapide d’un magistrat judiciaire. Cette étude portera sur la nature privative de liberté des mesures de contention, puis sur l’exigence constitutionnelle d’un contrôle juridictionnel systématique pour toute mesure prolongée.
I. La reconnaissance de mesures attentatoires à la liberté individuelle
A. L’identification d’une privation de liberté par nature
Les juges constitutionnels précisent que l’isolement et la contention, pratiqués lors d’une hospitalisation complète sans consentement, « constituent une privation de liberté » au sens du texte. Cette affirmation renforce la protection des patients psychiatriques en soumettant ces pratiques médicales au contrôle rigoureux de l’autorité judiciaire, gardienne naturelle de la liberté individuelle. Le Conseil rappelle que la liberté ne peut être sauvegardée que si un juge intervient « dans le plus court délai possible » pour examiner chaque situation.
B. Le cadre légal insuffisant des prolongations exceptionnelles
Le législateur avait autorisé le psychiatre à renouveler les mesures de contrainte au-delà de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention physique. Les dispositions prévoyaient seulement que le médecin devait informer sans délai le juge des libertés, lequel disposait alors d’une simple faculté de saisie d’office facultative. L’absence de bornes temporelles strictes au nombre de renouvellements possibles créait un risque de maintien prolongé des patients sous contrainte sans examen juridictionnel obligatoire et effectif.
II. L’exigence impérative d’un contrôle judiciaire systématique
A. La censure de l’absence d’intervention automatique du juge
Le Conseil constitutionnel censure le troisième alinéa de l’article L. 3222-5-1 car aucune règle ne soumet ce maintien à l’intervention systématique de l’autorité judiciaire compétente. La simple transmission d’informations au magistrat ne saurait remplacer un contrôle juridictionnel périodique garantissant l’absence de détention arbitraire au sein des services de soins psychiatriques. Les sages estiment que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en n’organisant pas les modalités d’un contrôle judiciaire obligatoire pour les mesures de longue durée.
B. La modulation temporelle des effets de l’inconstitutionnalité
L’abrogation immédiate des textes incriminés aurait entraîné un vide juridique dangereux pour la sécurité des patients et du personnel soignant dans les établissements de santé mentale. Le Conseil décide donc de reporter la date de l’abrogation définitive au 31 décembre 2021 afin de permettre au Parlement d’adopter une nouvelle loi conforme. Les mesures prises sous l’empire de l’ancienne loi ne peuvent être contestées sur ce fondement, préservant ainsi la stabilité des décisions médicales antérieures à la décision.