Le Conseil constitutionnel a rendu le 9 juillet 2021 une décision relative à la conformité de l’article 757 du code général des impôts. Cette disposition soumet les dons manuels aux droits de mutation lors de leur déclaration, de leur enregistrement ou de leur reconnaissance judiciaire. Un requérant a contesté l’application des tarifs et abattements en vigueur au jour de la révélation du don plutôt qu’au jour de sa réalisation. Saisie par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité le 12 mai 2021, la juridiction devait se prononcer sur l’éventuelle rupture d’égalité. La question posée demandait si fixer le fait générateur de l’impôt à la date de révélation méconnaissait les principes d’égalité devant les charges publiques. Les juges ont déclaré le texte conforme en estimant que le critère retenu par le législateur demeurait à la fois objectif et rationnel. L’analyse de cette décision porte d’abord sur la validation du fait générateur de l’imposition avant d’envisager le respect des principes constitutionnels de justice fiscale.
I. La consécration du jour de la révélation comme fait générateur de l’imposition
Le Conseil constitutionnel fonde son raisonnement sur la liberté de choix du Parlement et sur la nature juridique particulière des transmissions de biens meubles.
A. La reconnaissance du pouvoir d’appréciation du législateur
Le Conseil constitutionnel rappelle que sa mission ne consiste pas à se substituer au Parlement dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation générale. Les juges précisent ainsi qu’il ne leur appartient pas de « rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies ». Cette posture souligne la marge de manœuvre accordée aux pouvoirs publics pour définir les modalités techniques de la contribution commune indispensable. Dès lors que les mesures ne sont pas manifestement inappropriées au but recherché, la juridiction constitutionnelle valide les choix opérés par la loi fiscale. Cette liberté législative trouve sa justification concrète dans la structure même de la libéralité en cause.
B. Un critère objectif fondé sur l’absence de formalisme du don manuel
La nature spécifique du don manuel, consistant en une simple remise matérielle d’un bien meuble, justifie une absence totale de formalité initiale obligatoire. Le Conseil constitutionnel souligne que « le législateur a choisi de ne soumettre leur réalisation à aucune formalité particulière » pour expliquer le décalage temporel. En fixant l’imposition au jour de la révélation, le texte s’appuie sur le premier acte juridique tangible portant le don à la connaissance publique. Ce critère apparaît ainsi comme un élément de preuve rationnel permettant de déterminer avec précision la valeur taxable du bien transmis gratuitement. Cette validation du fait générateur par les juges constitutionnels permet d’examiner ensuite la conformité du dispositif aux garanties fondamentales.
II. L’absence de méconnaissance des garanties constitutionnelles fondamentales
L’examen de la conformité du texte s’attache à vérifier que l’application de la loi fiscale ne lèse ni l’égalité des citoyens ni leur sécurité juridique.
A. Le respect de l’égalité devant la loi et les charges publiques
L’analyse de la décision démontre qu’aucune différence de traitement arbitraire ne résulte de l’application uniforme des règles fiscales à tous les donataires concernés. La juridiction affirme que ces dispositions « ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement » en soumettant les dons révélés aux mêmes modalités que les dons déclarés. Le principe d’égalité n’interdit pas de régler différemment des situations distinctes pourvu que la différence reste en rapport direct avec l’objet de la loi. L’appréciation des facultés contributives repose ici sur des bases objectives garantissant l’absence de toute rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Cette égalité de traitement est complétée par une protection suffisante des droits des contribuables face à l’évolution des tarifs.
B. L’écartement du grief tiré de l’insécurité juridique
Le requérant invoquait une impossibilité de prévoir les règles de taxation applicables au moment où le don manuel serait ultérieurement révélé à l’administration. Toutefois, le Conseil constitutionnel estime que le deuxième alinéa de l’article 757 contesté « ne méconnaît pas non plus les exigences découlant de l’article 16 » de la Déclaration de 1789. La clarté du dispositif permet à chaque contribuable de connaître les conséquences fiscales attachées à l’acte de révélation volontaire ou forcée d’une libéralité manuelle. Cette décision confirme la primauté de l’intérêt général attaché au recouvrement des droits de mutation sur l’imprévisibilité alléguée du tarif fiscal futur. Les exigences constitutionnelles sont ainsi pleinement respectées sans que le législateur n’ait outrepassé sa propre compétence en matière fiscale.