Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 juillet 2021, une décision relative à la constitutionnalité du partage d’informations par les services de renseignement français. Une association a contesté les dispositions du code de la sécurité intérieure autorisant la circulation de données personnelles entre diverses administrations de l’État. Par une décision du 19 mai 2021, le Conseil d’État a renvoyé cette question prioritaire de constitutionnalité devant les juges constitutionnels. La requérante reprochait au législateur de ne pas avoir suffisamment encadré les finalités et le régime juridique de ces transferts de données sensibles. Le juge constitutionnel devait déterminer si le manque de garanties légales entourant ces transmissions portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Le Conseil valide les échanges entre services spécialisés mais censure la communication d’informations par les autorités administratives en raison d’une protection insuffisante. Cette analyse nécessite d’étudier la validation du partage interne aux services (I) puis de traiter la censure de la transmission par les autorités administratives (II).
**I. La validation du partage d’informations interne à la communauté du renseignement**
**A. La mise en œuvre des exigences inhérentes à la sécurité nationale**
Le législateur a souhaité organiser et sécuriser le partage d’informations entre les services de renseignement afin d’améliorer leur capacité opérationnelle globale. Les juges estiment que « ces dispositions mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ». Cette finalité justifie une conciliation entre les nécessités de la défense nationale et le droit fondamental au respect de la vie privée des citoyens. La politique publique de renseignement concourt ainsi directement à la stratégie de sécurité nationale et à la promotion des intérêts de la France. Le Conseil constitutionnel reconnaît que la fluidité des échanges entre les services spécialisés constitue un outil indispensable pour prévenir les menaces contemporaines.
**B. La limitation du partage aux informations nécessaires aux missions spécialisées**
Le Conseil constitutionnel souligne que le partage autorisé ne concerne que des services concourant spécifiquement à la défense des intérêts essentiels du pays. L’information détenue ne peut être transmise que si elle s’avère réellement « nécessaire à l’accomplissement des missions du service destinataire » de ces renseignements. Les données partagées restent soumises aux règles protectrices encadrant les traitements de données à caractère personnel et au contrôle des autorités administratives compétentes. Le cadre légal impose que chaque service ne puisse accéder qu’aux informations strictement utiles à l’exercice de ses attributions légales et réglementaires. Le juge valide ainsi l’organisation des services spécialisés mais se montre plus sévère concernant la communication spontanée d’informations par les autorités administratives classiques.
**II. La sanction de l’imprécision législative relative aux transmissions administratives**
**A. L’extension excessive du champ des autorités et des informations transmises**
Le deuxième alinéa de l’article contesté permettait à de nombreuses autorités administratives de transmettre des informations, parfois spontanément, aux services de renseignement. Le juge relève que cette transmission pouvait porter sur toutes « informations utiles » sans que la loi ne précise la nature exacte de ces données. Le périmètre des autorités concernées incluait des organismes dont les missions habituelles sont pourtant sans aucun lien avec celles des services de renseignement. Cette ouverture généralisée permettait à des entités gérant des régimes de protection sociale de communiquer des données sans cadre procédural clairement défini. Le législateur a ainsi autorisé une collecte d’informations très large sans délimiter précisément les circonstances justifiant de telles transmissions de données.
**B. La méconnaissance du droit à la vie privée par défaut de garanties**
Cette imprécision législative autorisait potentiellement la communication de données sensibles relatives aux opinions politiques ou aux convictions religieuses des personnes concernées. Le Conseil constitutionnel censure cette disposition car « le législateur n’a prévu aucune garantie encadrant ces transmissions d’informations » vers les services spécialisés. L’absence de contrôle préalable ou de critères de pertinence stricts constitue une violation caractérisée des exigences de protection de la vie privée. Le juge estime que la seule utilité supposée pour le renseignement ne saurait justifier une communication d’informations aussi étendue et arbitraire. L’abrogation de ce texte est toutefois reportée au 31 décembre 2021 afin d’éviter des conséquences excessives pour la conduite des politiques de sécurité.