Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-931 QPC du 23 septembre 2021

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 23 septembre 2021, s’est prononcé sur la conformité de l’article L. 4622-6 du code du travail. Cette disposition règle la répartition des frais des services de santé au travail entre les différents employeurs concernés. Une association d’employeurs et des sociétés commerciales ont contesté la méthode de calcul proportionnelle au nombre de salariés, interprétée en équivalents temps plein. La Cour de cassation a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité par un arrêt du 16 juin 2021 portant le numéro 966. Les requérants soutenaient que ce mode de calcul créait une rupture d’égalité selon la répartition des temps partiels au sein de l’entreprise. Le problème juridique réside dans la conformité au principe d’égalité d’une règle de contribution uniforme s’appliquant à des structures aux réalités sociales diverses. Le Conseil constitutionnel décide que ces dispositions « n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les employeurs » et les déclare conformes à la Constitution.

I. La consécration d’un critère de répartition fondé sur l’effectif salarié

A. Le cadre légal de la contribution proportionnelle aux services de santé

L’article L. 4622-6 du code du travail pose le principe que les dépenses de santé au travail incombent exclusivement aux employeurs. Le législateur prévoit une répartition des frais « proportionnellement au nombre des salariés » lorsque le service de santé est commun à plusieurs entreprises. Cette règle vise à assurer un financement stable des services de prévention tout en répartissant la charge financière de manière objective. La loi définit ainsi un critère comptable simple pour déterminer la participation de chaque adhérent aux coûts globaux du service interentreprises.

Cette modalité de financement repose sur l’idée qu’un effectif plus important génère mécaniquement un besoin accru en matière de suivi médical. Le législateur a toutefois prévu des dérogations spécifiques pour certaines professions, comme les journalistes pigistes, où la masse salariale sert de base. Ces exceptions confirment que le nombre de salariés demeure le principe de droit commun pour la majorité des entreprises adhérant à un service. Le système garantit ainsi une prévisibilité budgétaire pour les associations gérant ces services de santé ainsi que pour les entreprises contributrices.

B. La prise en compte de la jurisprudence relative à l’équivalent temps plein

Le Conseil constitutionnel intègre dans son contrôle l’interprétation constante donnée par la chambre sociale de la Cour de cassation. La juridiction suprême précise dans un arrêt du 19 septembre 2018 que le nombre de salariés doit s’apprécier en « équivalent temps plein ». Cette lecture jurisprudentielle permet de lisser la charge financière en tenant compte de la durée de travail réelle déclarée par chaque employeur. L’association requérante critiquait cette approche car elle aboutirait à une charge identique pour des prestations de santé potentiellement inégales.

La question de la constitutionnalité portait précisément sur les mots « proportionnellement au nombre des salariés » figurant au deuxième alinéa de l’article précité. Les requérants estimaient que l’équivalent temps plein pénalisait les entreprises employant de nombreux salariés à temps partiel pour des missions de courte durée. Ils arguaient que chaque salarié, quel que soit son temps de travail, bénéficie individuellement des mêmes services de prévention et de suivi. Cette contestation visait à obtenir une répartition des coûts plus proche de la réalité des services consommés par chaque entité économique.

II. La validation constitutionnelle d’un traitement juridique uniforme

A. Le rejet d’une obligation de différenciation entre les situations d’employeurs

Le Conseil rappelle que le principe d’égalité « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ». Cependant, cette règle constitutionnelle n’oblige jamais le législateur à traiter de manière distincte des personnes placées dans des contextes différents. En l’espèce, la loi soumet tous les employeurs à la même règle de calcul sans distinguer la structure contractuelle de leurs effectifs respectifs. La solution souligne que l’identité de traitement pour des situations variées ne constitue pas une méconnaissance de la Constitution.

Le juge constitutionnel considère que le législateur a utilisé un critère objectif et rationnel en lien avec l’objectif de financement de la santé. Il n’appartient pas au Conseil de substituer son appréciation à celle du législateur tant qu’aucune discrimination flagrante n’est constatée par le juge. La décision affirme que le principe d’égalité devant la loi est respecté dès lors que la norme s’applique de manière identique. Cette position classique protège la généralité de la loi contre des demandes de fragmentation du droit en fonction de spécificités professionnelles.

B. L’absence d’atteinte caractérisée aux principes de la liberté et de l’égalité

Les sages rejettent également les griefs portant sur l’égalité devant les charges publiques et le droit à l’autonomie budgétaire des associations. Ils considèrent que la mesure contestée est conforme à la Constitution dès lors qu’elle s’applique uniformément à l’ensemble des acteurs économiques. La décision garantit ainsi une sécurité juridique aux services interentreprises de santé en validant définitivement leur mode de financement actuel. La portée de cet arrêt confirme la large marge de manœuvre dont dispose le législateur dans l’organisation financière de la protection sociale.

Le Conseil écarte enfin l’argument relatif à la liberté d’association qui aurait été entravée par l’impossibilité pour les services de choisir leurs tarifs. L’intérêt général lié à la protection de la santé des travailleurs justifie pleinement l’encadrement législatif des contributions financières dues par les employeurs. Cette décision du 23 septembre 2021 stabilise ainsi le contentieux relatif au financement de la médecine du travail en France pour les prochaines années. Le maintien d’un critère fondé sur l’effectif assure la pérennité d’un système mutualisé entre les entreprises de tailles et de secteurs différents.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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