Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-937 QPC du 7 octobre 2021

Par une décision rendue le 7 octobre 2021, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité de dispositions législatives permettant le cumul de sanctions. Une société a fait l’objet d’une procédure relative à des faits de travail dissimulé ayant entraîné des poursuites pénales et un redressement social. Le 29 juin 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu l’arrêt numéro 935 ordonnant la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité. La requérante soutenait que l’application simultanée de ces textes méconnaissait les principes de nécessité et de proportionnalité garantis par l’article 8 de la Déclaration. Elle invoquait notamment le principe fondamental du droit pénal interdisant de punir deux fois une même personne pour les mêmes faits matériels reprochés. La question juridique posée portait sur la possibilité constitutionnelle de cumuler une amende pénale et une majoration administrative pour une même infraction sociale. Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions conformes car les sanctions prévues par le code du travail et de la sécurité sociale sont différentes. L’étude de la nature distincte des sanctions précède l’examen du cadre constitutionnel fixant les limites de leur cumul pécuniaire global pour le contrevenant.

I. La reconnaissance du cumul de sanctions de natures différentes

A. La distinction matérielle entre la majoration sociale et la peine pénale

Le Conseil constitutionnel observe que « l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale prévoit uniquement une majoration du montant du redressement des cotisations ». Inversement, le code du travail dispose d’un arsenal incluant la dissolution de la personne morale ou l’interdiction d’exercer une activité professionnelle spécifique. Cette différence fondamentale de nature juridique autorise les autorités à poursuivre les mêmes faits sous des angles techniques et répressifs tout à fait distincts. Les juges considèrent que la majoration des cotisations ne se confond pas avec les amendes pénales classiquement prononcées par les différentes juridictions répressives.

B. L’application maîtrisée du principe de nécessité des peines

Le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des peines est écarté car les sanctions relèvent de corps de règles totalement séparés. Le principe « ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions ». La jurisprudence constitutionnelle exige simplement que les sanctions poursuivent des objectifs distincts pour justifier valablement cette dualité de poursuites dans un litige. En l’espèce, la protection du financement de la protection sociale justifie une réponse administrative parallèlement à la sanction proprement pénale du délit.

II. L’encadrement constitutionnel de la sévérité répressive

A. La réserve du plafonnement global des sanctions pécuniaires

Si le cumul est autorisé, le Conseil constitutionnel rappelle que « le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé ». Cette réserve de proportionnalité protège le contrevenant contre une charge financière excessive qui dépasserait le maximum légalement prévu par la peine la plus sévère. Le juge doit ainsi s’assurer que l’addition des sommes dues au titre du redressement et de l’amende pénale reste dans cette limite raisonnable. La Constitution impose ce garde-fou indispensable pour éviter que la répression administrative ne devienne manifestement disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction.

B. Le renforcement de l’efficacité de la lutte contre la fraude sociale

La validation de ces dispositions confirme la volonté du législateur de réprimer sévèrement le travail dissimulé au sein des structures économiques de l’entreprise. En déclarant les articles conformes, le Conseil permet aux organismes de recouvrement et au parquet d’agir de concert pour protéger l’ordre public social. La décision s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel visant à assurer l’effectivité des sanctions dans des domaines où la fraude altère gravement la concurrence. Cette solution assure un équilibre entre la nécessaire répression des abus et le respect des garanties fondamentales offertes par la Déclaration des droits.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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