Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022

Par une décision rendue le 14 janvier 2022, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de dispositions législatives régissant l’intégration des magistrats. Plusieurs organisations professionnelles contestaient les modalités de désignation des membres des commissions chargées de proposer la nomination de certains auditeurs et maîtres des requêtes. Les requérants soutenaient que la composition paritaire de ces instances portait atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité garantis par l’article 16 de la Déclaration de 1789. Ils dénonçaient également un risque de blocage de l’activité administrative en raison de l’absence de règle de départage des voix au sein des délibérations. Les sages devaient ainsi déterminer si la présence de personnalités nommées par les pouvoirs exécutif et législatif compromettait l’indépendance de la justice administrative et financière. Le Conseil a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution en soulignant les garanties entourant la nomination des membres de ces commissions. L’examen de cette décision permet d’étudier la garantie institutionnelle de l’indépendance par la qualification des membres avant d’analyser la validité des modalités de fonctionnement.

I. La garantie institutionnelle de l’indépendance par la qualification des membres

A. L’exigence de garanties d’indépendance et d’impartialité des personnalités qualifiées

Le Conseil constitutionnel rappelle que les principes d’indépendance et d’impartialité sont indissociables de l’exercice des fonctions juridictionnelles au sens de la Déclaration de 1789. Les articles du code de justice administrative et du code des juridictions financières fixent la composition des commissions d’intégration pour les nominations de magistrats. Ces instances comprennent des membres des juridictions concernées ainsi que des personnalités qualifiées nommées par le Président de la République et les présidents des assemblées. Les juges précisent que ces personnalités sont « désignées en raison de leurs compétences dans un domaine précis » afin d’assurer la qualité des futurs recrutements nationaux. Elles doivent présenter des garanties « propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations » ou tout risque éventuel de conflit d’intérêts. Cette obligation constitutionnelle assure que les interventions extérieures ne nuisent pas à l’impartialité requise lors de l’évaluation de l’aptitude des candidats aux fonctions.

B. L’absence d’interférence des autorités politiques dans les délibérations

Le cadre législatif prévoit que la commission évalue l’aptitude des candidats à exercer les fonctions consultatives et contentieuses auxquelles ils se destinent prioritairement. Les critères de sélection reposent sur la compréhension des exigences déontologiques et sur le sens de l’action publique démontré par les auditeurs en service. Ces orientations législatives encadrent strictement le pouvoir d’appréciation des membres nommés par les autorités politiques lors de l’examen individuel des dossiers de candidature. Le Conseil constitutionnel estime que ces précisions garantissent la neutralité du processus de nomination au grade de maître des requêtes ou de conseiller référendaire. Les garanties statutaires et procédurales préviennent ainsi toute immixtion indue du pouvoir exécutif dans la gestion de la carrière des membres des juridictions souveraines. La protection de la séparation des pouvoirs se trouve renforcée par l’exigence de transparence des critères retenus par les membres pour arrêter les listes d’intégration.

II. La validité constitutionnelle des modalités de fonctionnement des commissions

A. L’incidence neutre de l’absence de règle de départage des voix

L’absence de mécanisme de départage des voix au sein des commissions d’intégration constituait un point central de la contestation soulevée par les parties requérantes. Le Conseil constitutionnel considère toutefois que cette situation conduit seulement à privilégier les candidats pour lesquels une majorité claire s’est dégagée lors du vote. Cette règle de fonctionnement interne « est sans incidence sur l’indépendance et l’impartialité des juridictions » car elle ne favorise aucunement une autorité de nomination particulière. L’exigence d’un consensus ou d’une majorité suffisante garantit au contraire que les candidats retenus font l’unanimité technique sur leurs compétences et leur déontologie professionnelle. Ce fonctionnement prévient les nominations arbitraires et assure que seules les personnalités présentant les meilleures aptitudes sont proposées aux grades supérieurs des corps juridictionnels. La stabilité institutionnelle de la Cour des comptes et du Conseil d’État demeure préservée malgré l’absence de voix prépondérante accordée au président de la commission.

B. La confirmation de la régularité du processus de nomination des magistrats

Le Conseil conclut que les dispositions relatives aux commissions d’intégration ne sont entachées d’aucune incompétence négative ni de méconnaissance des droits et libertés constitutionnels. La validation de ces articles confirme la possibilité pour le législateur d’associer des personnalités extérieures au recrutement des membres des hautes juridictions administratives et financières. Cette mixité dans la composition des instances de sélection ne saurait être regardée comme une menace pour l’autonomie organique des magistrats du Palais-Royal. La décision souligne que l’indépendance juridictionnelle repose autant sur les règles de composition que sur les obligations déontologiques imposées à chaque membre des commissions. La portée de cet arrêt réside dans l’affirmation de la constitutionnalité d’un système de recrutement fondé sur la compétence technique et la pluralité des regards. Ce dispositif permet d’adapter l’encadrement supérieur de la fonction publique tout en respectant scrupuleusement les exigences fondamentales de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

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Hassan KOHEN
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