Le Conseil constitutionnel, par une décision du 13 janvier 2022, statue sur la conformité de dispositions relatives à la réforme de l’encadrement supérieur. Plusieurs requérants contestaient les modalités de nomination des maîtres des requêtes au Conseil d’État ainsi que des conseillers référendaires à la Cour des comptes. L’ordonnance du 2 juin 2021 prévoit en effet la création de commissions d’intégration chargées de proposer ou de décider de ces nominations. Les requérants soutenaient que la composition de ces instances méconnaissait l’indépendance et l’impartialité indissociables des fonctions juridictionnelles garanties par la Déclaration de 1789. Ils critiquaient notamment la présence de personnalités qualifiées nommées par les autorités politiques sans règle de départage des voix en cas d’égalité. Saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité, le juge devait déterminer si ce cadre législatif assurait des garanties suffisantes contre les immixtions. Le Conseil constitutionnel déclare les articles contestés conformes à la Constitution en soulignant les exigences déontologiques pesant sur les membres des commissions. La validation de la composition paritaire de ces organes précède l’analyse des garanties effectives entourant le processus de sélection des magistrats.
I. La validation de la composition des commissions d’intégration
A. L’équilibre organique entre magistrats et personnalités qualifiées
Les dispositions prévoient que les commissions comprennent trois membres de la juridiction concernée et trois personnalités qualifiées nommées par les présidents des institutions politiques. Le Conseil constitutionnel relève que ces personnalités sont désignées « en raison de leurs compétences dans un domaine précis » selon les textes applicables. Cette exigence technique limite la discrétion des autorités de nomination et assure une pluralité de regards sur l’aptitude des candidats. L’article L. 133-12-3 du code de justice administrative encadre ainsi strictement le profil des membres extérieurs pour garantir une expertise diversifiée. Cette structure paritaire ne constitue pas, en elle-même, une menace pour l’autonomie des corps juridictionnels face aux pouvoirs législatif et exécutif.
B. Le rejet du grief tiré de l’incompétence négative
Les requérants affirmaient que le législateur n’avait pas épuisé sa compétence en omettant de préciser les garanties d’exercice des fonctions des membres. Le juge constitutionnel écarte ce moyen en soulignant que la loi définit précisément les critères d’évaluation des candidats à l’intégration. Les commissions doivent prendre en compte « la compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l’action publique ». Le cadre législatif actuel permet donc d’identifier avec une clarté suffisante les attentes pesant sur les commissions lors de leurs délibérations. Cette précision normative interdit aux autorités administratives de définir arbitrairement les conditions de recrutement au sein des deux hautes juridictions.
La structure des commissions étant validée, il convient d’examiner la portée des garanties d’indépendance imposées individuellement et collectivement à leurs membres.
II. La garantie d’indépendance et d’impartialité du processus
A. L’exigence déontologique impérative des membres
Le Conseil rappelle que les principes d’indépendance et d’impartialité sont indissociables de l’exercice des fonctions juridictionnelles selon l’article 16 de la Déclaration de 1789. Les membres des commissions doivent présenter des garanties « propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations ». Cette obligation de neutralité s’applique tant aux magistrats en exercice qu’aux personnalités qualifiées nommées par le Président de la République ou les présidents des assemblées. La décision souligne que ces acteurs sont tenus de prévenir tout conflit d’intérêts durant l’exercice de leur mandat de quatre ans. La responsabilité individuelle de chaque membre devient ainsi le rempart principal contre les tentatives d’influence politique lors des nominations.
B. L’absence de départage comme mécanisme de protection
L’absence de règle de départage des voix signifie que seuls les candidats recueillant une majorité de suffrages peuvent être proposés à la nomination. Pour le Conseil constitutionnel, cette configuration est « sans incidence sur l’indépendance et l’impartialité des juridictions » contrairement aux craintes exprimées par les requérants. Ce silence législatif impose de fait la recherche d’un consensus ou d’une adhésion large pour valider l’intégration d’un nouveau magistrat. Une telle exigence renforce la légitimité des candidats retenus en empêchant une fraction de la commission d’imposer un choix contesté. Le processus de décision collective garantit ainsi une sélection fondée sur le mérite plutôt que sur des affinités partisanes ou institutionnelles.