Par une décision n° 2021-964 QPC du 20 janvier 2022, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de l’article L. 425-5-1 du code de l’environnement à la Constitution. Cette disposition autorise le préfet à imposer au détenteur d’un droit de chasse le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux sur son fonds. Le litige trouve son origine dans un recours devant le Conseil d’État, lequel a renvoyé la question prioritaire de constitutionnalité par un arrêt du 27 octobre 2021. La société requérante soutenait que cette injonction administrative de procéder à l’abattage d’animaux portait atteinte à sa liberté de conscience et au droit de propriété. Elle invoquait également une méconnaissance de la séparation des pouvoirs, craignant que le juge judiciaire ne soit lié par les constatations administratives. La question posée au Conseil constitutionnel consistait à savoir si la régulation forcée du gibier constitue une ingérence disproportionnée dans les libertés individuelles des propriétaires.
I. L’encadrement de l’intervention administrative au service de l’équilibre environnemental
Le Conseil constitutionnel valide la faculté pour le représentant de l’État de notifier au détenteur du droit de chasse un nombre d’animaux à prélever. Cette prérogative préfectorale s’exerce exclusivement « lorsque l’équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de ce territoire ». Le juge constitutionnel relève que cette mesure vise à « sauvegarder l’équilibre entre la présence durable d’une faune sauvage et les activités agricoles et sylvicoles ». La loi poursuit ainsi un objectif d’intérêt général en prévenant les dommages causés aux cultures par le grand gibier. L’intervention de l’autorité administrative est strictement conditionnée par la constatation d’une défaillance du propriétaire dans la régulation des espèces.
L’exigence d’une perturbation manifeste de l’équilibre local justifie la contrainte imposée par l’administration aux détenteurs de droits de chasse sur leurs terres. Le texte prévoit que le préfet statue après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie en formation spécialisée. Cette procédure garantit une expertise technique préalable à toute injonction de prélèvement d’animaux afin d’éviter des décisions arbitraires ou inutiles. La notification administrative sert alors de « référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière » du propriétaire en cas de dégâts futurs. Cette articulation entre police administrative et responsabilité civile assure une cohérence globale dans la gestion de la faune sauvage sauvage.
II. La préservation des garanties constitutionnelles et du pouvoir juridictionnel
L’examen de la liberté de conscience constitue le cœur de la discussion relative à l’obligation de procéder à des actes d’abattage. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions critiquées « ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de conscience » des propriétaires opposés à la chasse. Il souligne que la loi ne remet pas en cause le droit du détenteur du fonds d’interdire la pratique cynégétique sur son territoire. Toutefois, le refus d’agir pour réguler les espèces peut entraîner l’engagement de sa responsabilité financière pour l’indemnisation des victimes de dégâts. La liberté de ne pas chasser subsiste mais elle doit s’exercer dans le respect des obligations liées à la garde du gibier.
La décision écarte ensuite le grief tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs et du droit au recours effectif. Le Conseil constitutionnel précise que les dispositions contestées « n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter le pouvoir d’appréciation reconnu à la juridiction judiciaire ». Le juge judiciaire conserve donc toute sa souveraineté pour apprécier le lien de causalité entre l’absence de régulation et les dommages subis. Il peut déterminer librement le montant de l’indemnisation sans être lié de manière automatique par le contenu de l’arrêté préfectoral de notification. Cette indépendance juridictionnelle garantit que la responsabilité financière du propriétaire reste soumise à un contrôle de proportionnalité devant les tribunaux judiciaires.