Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-969 QPC du 11 février 2022

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 11 février 2022, une décision relative à la constitutionnalité des articles 713-38 et 713-39 du code de procédure pénale. Ces dispositions encadrent l’exécution sur le territoire national des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères. Le litige trouve son origine dans la contestation de la procédure d’autorisation de ces mesures par le juge répressif français. La Cour de cassation, par un arrêt du 1er décembre 2021, a renvoyé cette question prioritaire de constitutionnalité aux juges de la rue de Montpensier. Les requérantes soutenaient que l’absence de débat contradictoire systématique et de notification de la décision méconnaissait les droits de la défense. La question de droit consistait à savoir si le silence de la loi sur les voies de recours violait l’article 16 de la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel écarte ces griefs en soulignant que le droit commun garantit les droits fondamentaux des personnes visées par la confiscation. L’analyse portera d’abord sur la structure de la procédure d’autorisation avant d’étudier la protection des garanties constitutionnelles par l’interprétation judiciaire.

I. La structure procédurale de l’exécution des décisions de confiscation étrangères

A. Une compétence juridictionnelle restreinte au contrôle de régularité

Le tribunal correctionnel est chargé d’autoriser l’exécution des décisions de confiscation étrangères sur le territoire de la République française. Cette juridiction intervient sur requête du procureur de la République afin de conférer une force exécutoire à une mesure pénale étrangère définitive. Le Conseil constitutionnel précise que le juge « ne se prononce que sur l’exécution en France » de la décision de confiscation. Cette limite fonctionnelle interdit au magistrat français de statuer de nouveau sur le bien-fondé de la condamnation initiale. L’office du juge se limite donc à vérifier les conditions de régularité posées par les textes législatifs en vigueur. L’efficacité de la coopération internationale justifie cette absence de révision au fond de la décision judiciaire étrangère.

B. Le caractère facultatif de l’audition des parties intéressées

Le législateur a prévu que le tribunal correctionnel entend les propriétaires ou les tiers titulaires de droits s’il l’estime utile. Cette faculté laissée à l’appréciation souveraine du juge permet d’adapter la procédure aux nécessités de chaque espèce particulière. Les requérantes contestaient cette disposition en ce qu’elle n’imposait pas la tenue d’un débat contradictoire préalable et obligatoire. Le Conseil souligne néanmoins que les personnes concernées « peuvent se faire représenter par un avocat » lors de cette audition facultative. La souplesse de ce mécanisme n’exclut pas le respect des principes fondamentaux mais subordonne l’intervention orale à une utilité procédurale. Ce choix législatif vise à garantir la célérité de l’exécution des mesures patrimoniales sans sacrifier les droits des tiers.

II. La sauvegarde des garanties constitutionnelles par le renvoi au droit commun

A. La consécration d’un droit de recours effectif contre l’autorisation

L’absence de mention explicite d’un recours dans les articles critiqués ne prive pas les justiciables de toute contestation ultérieure. Le Conseil constitutionnel se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour rejeter le grief d’incompétence négative du législateur. Les personnes intéressées bénéficient, selon les conditions de droit commun, d’un droit d’appel contre la décision du tribunal correctionnel. Ce recours permet une nouvelle appréciation de la régularité de la mesure devant une juridiction du second degré. L’existence de cette voie de contestation classique assure la conformité de la procédure à l’exigence d’un recours juridictionnel effectif. La loi ne doit pas nécessairement répéter les règles générales de procédure lorsque celles-ci s’appliquent naturellement.

B. La garantie nécessaire de la notification pour l’exercice des droits

L’effectivité du droit d’appel suppose que les parties soient informées de la décision rendue par le tribunal de première instance. Les sages affirment que le droit d’exercer un tel recours « implique nécessairement que cette décision soit portée à leur connaissance ». Cette exigence constitutionnelle de notification garantit que le délai d’appel ne commence à courir qu’après une information régulière des intéressés. Le Conseil constitutionnel sauve ainsi les textes contestés en intégrant l’interprétation jurisprudentielle constante au sein du bloc de constitutionnalité. Les droits de la défense sont préservés puisque le contrôle juridictionnel demeure possible dans le respect des formes légales. La décision confirme que le silence législatif est comblé par l’application rigoureuse des principes directeurs du procès pénal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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