Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 juillet 2022, une décision importante relative au régime juridique des associations cultuelles sur le territoire français. Cette décision n° 2022-1004 QPC examine la conformité de plusieurs articles modifiés par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Le litige trouve son origine dans la volonté du législateur de renforcer la transparence financière et le contrôle administratif des activités religieuses en France. Saisie par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité le 18 mai 2022, la juridiction devait trancher sur le respect de la liberté d’association. Les requérants contestaient notamment l’instauration d’une déclaration préalable ainsi que le plafonnement des ressources immobilières propres à ces structures juridiques très spécifiques. La question posée portait sur l’équilibre entre la sauvegarde de l’ordre public et le maintien du libre exercice des cultes garanti par la Constitution. Le Conseil constitutionnel juge les dispositions conformes à la Constitution, sous réserve d’une application proportionnée et de la protection des acquis passés des associations.
I. Un encadrement administratif renouvelé conciliant laïcité et ordre public
A. La validation du régime déclaratif sous réserve de garanties procédurales
Le juge constitutionnel écarte d’abord le grief relatif à la méconnaissance du principe de laïcité concernant l’obligation de déclaration de la qualité cultuelle. Il souligne que ces dispositions ont « pour seul objet d’instituer une obligation déclarative en vue de permettre au représentant de l’État » de vérifier l’éligibilité. Cette mesure ne constitue pas une reconnaissance de culte par la République mais une simple modalité d’accès à des avantages légaux et réglementaires précis. Le Conseil précise que le représentant de l’État ne peut s’opposer à ce bénéfice qu’après une procédure contradictoire et pour un motif d’ordre public. L’exigence de neutralité étatique est ainsi préservée puisque l’administration se borne à constater le respect des critères de l’objet exclusif du culte.
B. La proportionnalité des obligations comptables et financières
Les articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 imposent désormais aux associations assurant l’exercice public d’un culte des obligations administratives accrues. Le législateur a souhaité renforcer la transparence de l’activité et du financement de ces groupements pour prévenir d’éventuels troubles à l’ordre public national. Le Conseil constitutionnel valide ces contraintes en les jugeant « nécessaires et adaptées à l’objectif poursuivi par le législateur » dans le cadre de sa mission. Il assortit néanmoins sa décision d’une réserve obligeant le pouvoir réglementaire à veiller au respect de la liberté d’association lors de l’application future. Cette vigilance garantit que les modalités de certification des comptes ou de tenue de comptabilité séparée ne deviennent pas des obstacles insurmontables aux libertés fondamentales.
II. Une protection nuancée des libertés face aux contraintes patrimoniales
A. La justification d’une différence de traitement immobilier
L’article 19-2 de la loi de 1905 limite à 50 % des ressources totales la part issue des immeubles de rapport possédés par les associations cultuelles. Les requérants invoquaient une rupture d’égalité par rapport aux associations reconnues d’utilité publique qui ne sont pas soumises à un tel plafonnement législatif strict. Le Conseil rejette ce moyen en considérant que les associations cultuelles se trouvent dans une situation différente eu égard à leur objet strictement exclusif. La différence de traitement est « en rapport avec l’objet de la loi » visant à assurer un financement principalement lié aux contributions des fidèles. Cette restriction patrimoniale n’altère pas la substance même de la liberté de religion tant que les ressources nécessaires à l’exercice du culte subsistent.
B. La sauvegarde de la liberté d’association par la réserve de restitution
Le juge constitutionnel apporte une protection capitale en limitant les effets du retrait de la qualité cultuelle par le représentant de l’État dans le département. Le retrait ne saurait conduire « à la restitution d’avantages dont l’association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle » sans porter atteinte. Cette réserve d’interprétation protège la sécurité juridique des groupements en évitant des remises en cause financières rétroactives potentiellement dévastatrices pour leur existence même. Le Conseil concilie ainsi l’efficacité de la surveillance administrative avec la pérennité des structures associatives déjà établies conformément aux lois de la République. La décision consacre un équilibre subtil où l’ordre public autorise un contrôle étroit sans jamais permettre une remise en cause de la liberté religieuse.