Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-1009 QPC du 22 septembre 2022

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 22 septembre 2022, une décision relative à la conformité de l’amende sanctionnant l’omission déclarative dans le régime de l’auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée.

Une société a fait l’objet d’un redressement fiscal incluant une amende de 5 % pour avoir omis de mentionner la taxe exigible au titre d’opérations spécifiques. Saisi d’un litige par cette contribuable, le Conseil d’État a transmis, par une décision du 14 juin 2022, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le code général des impôts. La requérante soutient que cette sanction méconnaît le principe de proportionnalité des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elle critique une amende dont l’assiette serait sans lien avec la nature de l’infraction et qui s’appliquerait alors même qu’aucun impôt n’a été éludé.

Le problème de droit soumis au Conseil constitutionnel est de savoir si l’application d’une amende proportionnelle de 5 % sanctionnant un manquement déclaratif sans préjudice financier direct respecte les exigences constitutionnelles.

Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées conformes à la Constitution car le législateur a instauré une sanction dont l’assiette est en lien avec la nature de l’infraction commise. Il affirme également que « le taux de 5 % retenu n’est pas manifestement disproportionné au regard de la gravité du manquement que le législateur a entendu réprimer ». Cette décision valide ainsi une répression stricte des obligations déclaratives pour garantir le suivi et la collecte efficace de la taxe sur la valeur ajoutée.

I. La caractérisation d’une sanction proportionnée à l’infraction déclarative

A. L’identification de l’assiette de la sanction fiscale

Les dispositions contestées prévoient qu’une amende égale à 5 % de la somme déductible s’applique en cas de défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration. Le Conseil constitutionnel souligne que cette amende sanctionne le manquement à l’obligation de déclarer la taxe due au titre d’une opération relevant du régime de l’auto-liquidation. En fixant cette sanction en proportion de la somme déductible, le législateur a établi un lien direct entre le montant de l’opération et la répression encourue.

Le juge constitutionnel considère que « le législateur a instauré une sanction dont l’assiette est en lien avec la nature de l’infraction » malgré l’absence de taxe éludée. Cette approche confirme que la gravité de l’infraction ne se mesure pas uniquement à la perte financière subie par l’État mais à l’atteinte au système déclaratif. L’assiette choisie permet d’adapter la sanction à l’importance économique de l’opération dissimulée, ce qui justifie le caractère proportionnel de la mesure législative critiquée.

B. La légitimité de l’amende au regard de l’objectif de lutte contre la fraude

Le législateur a institué cette amende pour assurer l’effectivité de l’obligation déclarative nécessaire au suivi et à la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée. Le Conseil constitutionnel rappelle que ce faisant, il a poursuivi « l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale » de manière claire et déterminée. L’auto-liquidation impose une discipline rigoureuse aux redevables afin d’éviter toute rupture dans la chaîne de contrôle fiscal par les agents de l’administration.

La sanction du simple manquement déclaratif participe activement à la prévention des comportements frauduleux en rendant l’omission coûteuse pour l’entreprise concernée par le redressement. L’amende de 5 % n’est donc pas une simple punition mais un instrument indispensable pour garantir l’intégrité du circuit économique et la transparence des échanges. La validation de cet objectif permet au Conseil constitutionnel de passer à l’examen de la sévérité du taux appliqué par le pouvoir législatif.

II. La portée du contrôle restreint de proportionnalité du Conseil constitutionnel

A. Le rejet d’une disproportion manifeste du taux de l’amende

Le principe de proportionnalité des peines impose que la sanction ne soit pas manifestement excessive par rapport à la gravité de la faute commise par l’administré. Le Conseil constitutionnel relève que le taux de 5 % n’apparaît pas excessif compte tenu de la nécessité de réprimer efficacement les manquements aux obligations fiscales. Il précise ainsi que « le taux de 5 % retenu n’est pas manifestement disproportionné » au regard de la volonté du législateur de sécuriser les recettes publiques.

Ce contrôle restreint laisse une marge de manœuvre importante au législateur pour fixer le quantum des sanctions pécuniaires dans le domaine du droit fiscal. Le juge refuse de substituer sa propre appréciation à celle du Parlement tant que la sanction ne présente pas un caractère manifestement déraisonnable ou arbitraire. Le maintien d’un taux fixe et proportionnel est jugé compatible avec les exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

B. La préservation de l’efficacité du système de collecte de la taxe

La décision du Conseil constitutionnel conforte la rigueur du formalisme imposé aux entreprises dans la gestion de la taxe sur la valeur ajoutée au quotidien. En déclarant la disposition conforme, le juge assure que le non-respect des règles déclaratives demeure sanctionné de manière systématique et dissuasive sur l’ensemble du territoire. La solution retenue privilégie l’efficacité du contrôle fiscal sur la situation individuelle du contribuable qui n’aurait pourtant pas cherché à frauder l’impôt.

La portée de cette décision est significative puisqu’elle ferme la voie à une remise en cause des amendes forfaitaires proportionnelles fondées sur des oublis déclaratifs. Le système de l’auto-liquidation repose sur la confiance et l’exactitude des informations transmises par les redevables sous peine de sanctions financières immédiates et validées. Cette jurisprudence consolide ainsi les pouvoirs de l’administration fiscale dans sa mission de surveillance du circuit économique global et de lutte contre l’évasion fiscale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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