Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-1013 QPC du 14 octobre 2022

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2022-1013 QPC du 14 octobre 2022, s’est prononcé sur les modalités de compensation de la suppression de la taxe d’habitation. Un établissement public de coopération intercommunale contestait le recours à un taux de référence datant de l’année 2017 pour le calcul de cette compensation nationale. La requérante estimait que ce mécanisme ignorait les conséquences financières des fusions intercommunales intervenues après cette date, créant ainsi une rupture d’égalité de traitement. Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État le 22 juillet 2022, la haute juridiction devait déterminer si ce gel temporel respectait les principes constitutionnels. Les sages ont conclu à la conformité totale des dispositions contestées, rejetant l’ensemble des griefs soulevés par l’organisme public à l’origine de la saisine.

I. La consécration d’un critère de calcul objectif et rationnel

A. La prévention des hausses de taux opportunistes

Le Conseil constitutionnel valide le choix de l’année 2017 comme référence temporelle pour le calcul de la fraction de taxe sur la valeur ajoutée affectée. Le législateur a souhaité « faire obstacle à des augmentations du taux de cette taxe qui n’auraient été motivées que par l’annonce de sa suppression ». Cette mesure préventive évite que les groupements n’augmentent artificiellement leur pression fiscale avant la compensation par l’État du produit de l’impôt effectivement perdu. Le juge constitutionnel considère que ce choix repose sur un critère « objectif et rationnel en lien avec l’objectif poursuivi » par la réforme de 2019. Cette solution garantit la protection du pouvoir d’achat des contribuables sans pour autant léser les capacités financières réelles des établissements publics de coopération intercommunale.

B. L’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges

L’application d’un taux fixe peut entraîner des disparités pour les groupements ayant fusionné après la date de référence, mais ces effets restent strictement constitutionnels. Le Conseil constitutionnel souligne que les dispositions assurent une compensation intégrale au regard des taux intercommunaux pratiqués durant l’année de référence choisie par le Parlement. Bien que certains établissements subissent une perte de ressources lors d’une fusion, cette situation ne constitue pas une « rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Le principe d’égalité n’oblige pas le législateur à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations financières ou juridiques potentiellement distinctes. La stabilité du mécanisme de compensation prime ici sur la prise en compte exhaustive de chaque évolution structurelle postérieure à la réforme fiscale.

II. L’écartement des griefs relatifs à l’autonomie financière

A. Le statut constitutionnel restreint des établissements intercommunaux

La décision rappelle fermement que les établissements publics de coopération intercommunale ne jouissent pas des mêmes garanties que les collectivités territoriales de plein exercice. Selon le juge, ces organismes « ne constituent pas des collectivités territoriales au sens de l’article 72 de la Constitution » malgré leur rôle administratif majeur. Par conséquent, les principes de libre administration et d’autonomie financière ne peuvent être utilement invoqués pour contester les modalités de financement de ces structures publiques. Cette distinction organique limite considérablement la portée des recours intentés par les groupements intercommunaux contre les évolutions de la fiscalité locale en France. Le Conseil constitutionnel confirme ainsi sa jurisprudence traditionnelle restreignant le champ des protections constitutionnelles aux seules collectivités énumérées par le texte fondamental.

B. La validation de la compensation par l’affectation d’une fraction de taxe

Le dispositif législatif remplace le produit de la taxe d’habitation par l’affectation d’une fraction nette de la taxe sur la valeur ajoutée perçue annuellement. Cette substitution fiscale permet d’assurer la pérennité des ressources locales sans accroître la charge pesant sur les résidences principales des citoyens résidant sur le territoire. Le juge constitutionnel estime que le mécanisme retenu ne méconnaît aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution dans le cadre de ce contrôle. La décision sécurise juridiquement la réforme de la fiscalité locale en validant les choix techniques opérés par le législateur pour accompagner la disparition d’un impôt. L’arrêt marque la volonté du Conseil de préserver la marge de manœuvre budgétaire de l’État tout en encadrant les prétentions financières des groupements.

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Hassan KOHEN
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