Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-1020 QPC du 28 octobre 2022

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 octobre 2022, une décision relative à la conformité du dernier alinéa de l’article 99 du code de procédure pénale. Cette question prioritaire de constitutionnalité concerne les droits d’un tiers à l’information judiciaire lorsqu’il sollicite la restitution d’un bien placé sous main de justice. Une requérante a contesté la saisie d’un objet et a demandé sa restitution au juge d’instruction dans le cadre d’une procédure criminelle en cours. Le juge d’instruction a rejeté cette demande par une ordonnance motivée, décision dont l’intéressée a interjeté appel devant la chambre de l’instruction compétente. La chambre criminelle de la Cour de cassation a, par un arrêt du 27 juillet 2022, transmis au Conseil constitutionnel le grief portant sur l’accès au dossier. La requérante soutient que l’impossibilité de consulter les pièces de la procédure empêche l’exercice effectif de son recours et viole le principe fondamental du contradictoire. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si l’absence de communication de la procédure au tiers appelant est compatible avec les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789. La décision repose sur la nécessité de protéger le secret de l’instruction tout en préservant les droits fondamentaux du tiers à travers un contrôle juridictionnel adapté.

I. La limitation nécessaire du droit de communication au profit du secret de l’instruction

A. L’exclusion du tiers de l’accès intégral au dossier de la procédure

La disposition contestée prévoit que le tiers peut être entendu par la chambre de l’instruction mais « ne peut prétendre à la mise à sa disposition de la procédure ». Cette interdiction stricte déroge au droit commun de l’accès au dossier qui est habituellement reconnu aux parties principales que sont le mis en examen et la partie civile. Le législateur a entendu limiter les prérogatives du tiers afin d’éviter toute immixtion de personnes étrangères à l’action publique dans les actes d’investigation couverts par le secret. La restriction vise à empêcher que la communication globale du dossier ne vienne compromettre le bon déroulement des recherches de la vérité menées par les autorités judiciaires compétentes.

B. La préservation des objectifs de valeur constitutionnelle liés à l’enquête

Le Conseil constitutionnel souligne que cette mesure poursuit l’objectif de « préserver le secret de l’enquête et de l’instruction et protéger les intérêts des personnes concernées ». La décision rappelle que la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions constituent des objectifs revêtant une valeur constitutionnelle supérieure. L’exclusion de la communication totale du dossier garantit également le respect de la vie privée et la préservation de la présomption d’innocence des personnes mises en cause. Le législateur a ainsi opéré une conciliation équilibrée entre les impératifs de la justice pénale et le droit individuel d’accès aux éléments de preuve matériels.

II. La sauvegarde effective des garanties procédurales du tiers demandeur

A. L’existence d’un recours juridictionnel motivé et contradictoire

Le tiers n’est pas totalement privé de moyens de défense puisque le juge d’instruction doit statuer sur la demande de restitution par une « ordonnance motivée ». La connaissance des motifs précis du refus permet à l’intéressé de structurer ses observations et de contester utilement la décision devant la chambre de l’instruction. Le droit d’être entendu par les juges du second degré assure une forme de débat contradictoire même en l’absence de consultation directe de l’intégralité du dossier pénal. Ces garanties minimales permettent de vérifier que la saisie reste justifiée par la manifestation de la vérité ou par la dangerosité éventuelle de l’objet placé sous main de justice.

B. La possibilité d’une communication ponctuelle des pièces de saisie

La juridiction constitutionnelle précise que la chambre de l’instruction conserve la faculté de communiquer au tiers les pièces spécifiques du dossier se rapportant directement à la saisie effectuée. Cette souplesse procédurale permet aux magistrats d’ajuster le niveau d’information du requérant selon les nécessités de leur office et les particularités de chaque espèce juridique soumise. En outre, le Conseil rappelle qu’en cas de renvoi devant le tribunal, les procès-verbaux de saisie deviennent accessibles aux tiers intéressés conformément au code de procédure pénale. La restriction d’accès au dossier durant l’instruction ne porte donc pas une atteinte disproportionnée aux droits garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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