Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-1023 QPC du 18 novembre 2022

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 18 novembre 2022, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de l’article 113-8 du code pénal. Cette disposition réserve au seul ministère public l’initiative des poursuites pour les délits commis par des étrangers ou contre des Français hors du territoire national. La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité le 13 septembre 2022 suite à un litige pénal. Le requérant soutenait que ce monopole portait une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif ainsi qu’au principe d’égalité devant la justice. Il critiquait l’impossibilité pour la victime de mettre directement en mouvement l’action publique par une plainte avec constitution de partie civile. Les sages de la rue de Montpensier devaient déterminer si l’exclusion de la victime dans le déclenchement des poursuites internationales méconnaissait les garanties constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel déclare les mots contestés conformes en soulignant la persistance d’une voie de recours civile et la spécificité des investigations à l’étranger.

I. La préservation du droit au recours par l’accès au juge civil

A. L’affirmation du monopole du ministère public sur l’action publique

L’article 113-8 du code pénal dispose que « la poursuite des délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public » pour les faits commis hors de France. Cette règle déroge au droit commun de la procédure pénale qui permet habituellement à la partie lésée de saisir directement un juge d’instruction. Le législateur a entendu limiter l’exercice de la compétence universelle ou personnelle de la loi pénale française afin de prévenir des complications diplomatiques. Cette restriction prive temporairement la victime de la faculté de forcer l’ouverture d’une enquête pénale lorsque les faits se déroulent à l’étranger. Le Conseil constitutionnel relève ainsi que « les dispositions contestées font obstacle à la mise en mouvement de l’action publique par la partie lésée ». Cette entrave initiale à l’accès au juge pénal constitue le cœur de la contestation soulevée par le requérant devant la juridiction suprême.

B. Le maintien de l’action civile en réparation du préjudice

Le juge constitutionnel tempère la rigueur du monopole des poursuites en rappelant l’existence d’autres voies juridiques ouvertes aux victimes de délits internationaux. Il précise que « ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne privent la partie lésée de la possibilité d’obtenir réparation » de son dommage. La victime peut toujours saisir les juridictions civiles françaises pour solliciter l’indemnisation du préjudice personnel causé par l’infraction commise hors du territoire. Cette distinction entre l’action publique et l’action civile permet de garantir que le droit à un recours effectif n’est pas substantiellement méconnu. L’impossibilité de déclencher le procès pénal n’interdit pas la reconnaissance judiciaire de la qualité de victime ni l’octroi de dommages et intérêts. La solution du Conseil repose sur cette dualité juridictionnelle afin de valider une procédure dérogatoire rendue nécessaire par l’éloignement géographique des faits.

II. La validité constitutionnelle des distinctions procédurales

A. La justification par la spécificité des infractions commises à l’étranger

L’examen du grief tiré de la rupture d’égalité conduit le Conseil constitutionnel à analyser les motifs qui guident les choix du législateur. La décision souligne que l’autorité publique doit « apprécier l’opportunité de poursuivre des infractions » dont la preuve reste particulièrement complexe à constituer. Le législateur justifie cette différence de traitement « en raison de la difficulté de mener des investigations à l’étranger » pour des faits délictueux. L’éloignement des preuves et la nécessité de coopérations internationales imposent une centralisation des décisions de poursuite entre les mains du procureur de la République. Cette différence de situation entre les crimes et les délits commis hors de France ne procède donc pas d’une distinction injustifiée. Le principe d’égalité n’interdit pas de prévoir des règles de procédure différentes dès lors que l’objectif poursuivi est en rapport avec l’intérêt général.

B. L’octroi de garanties équivalentes pour la protection des intérêts

Les victimes françaises disposent de facultés d’intervention suffisantes pour que leur cause soit entendue malgré l’absence de déclenchement autonome de l’action publique. Si le procureur de la République engage les poursuites, elles peuvent « se constituer partie civile au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement ». Cette possibilité de rejoindre une instance déjà ouverte assure aux justiciables des droits identiques à ceux des victimes d’infractions commises en France. Le Conseil constitutionnel conclut que sont ainsi assurées aux parties des « garanties équivalentes pour la protection de leurs intérêts » respectifs. L’équilibre entre les nécessités de la politique pénale internationale et le respect des droits des victimes semble donc préservé par l’arsenal législatif. La déclaration de conformité confirme la validité d’un système où l’opportunité des poursuites internationales demeure une prérogative régalienne exclusive mais contrôlée par l’accès au juge.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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