Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 janvier 2023, une décision relative à la conformité des perquisitions dans les cabinets et aux domiciles des avocats. Des organisations professionnelles contestaient les dispositions issues de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Les requérants soutenaient que le régime des saisies portait une atteinte excessive au secret professionnel ainsi qu’aux droits de la défense. Le Conseil d’État, par une décision du 18 octobre 2022, a renvoyé au Conseil constitutionnel l’examen des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale. Les parties invoquaient notamment une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances garantis constitutionnellement. La question posée au juge porte sur l’équilibre entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et l’inviolabilité nécessaire du secret de l’avocat. Le Conseil constitutionnel déclare les articles contestés conformes à la Constitution sous réserve du respect des garanties entourant la procédure de saisie. Cette décision souligne la validité des garanties entourant la perquisition (I) tout en validant la levée du secret pour certaines fraudes économiques (II).
I. L’encadrement procédural rigoureux des perquisitions chez l’avocat
A. La protection renforcée par l’intervention d’un magistrat et du bâtonnier
Les perquisitions ne peuvent être effectuées que par un magistrat en présence du bâtonnier, suite à une décision écrite et particulièrement motivée. Cette décision doit indiquer la nature de l’infraction, les raisons justifiant la mesure et sa proportionnalité au regard des faits reprochés. Le Conseil juge que les « raisons plausibles » de soupçonner l’avocat constituent une condition suffisamment précise pour autoriser la mesure de contrainte. L’intervention du bâtonnier permet de s’opposer immédiatement à la saisie d’un document s’il estime que cette opération s’avère irrégulière.
B. La distinction protectrice entre le secret de la défense et le conseil
Le deuxième alinéa de l’article 56-1 interdit la saisie de documents « relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret ». Le juge constitutionnel précise ainsi que ces dispositions n’ont pas pour objet de permettre la saisie de pièces relatives à une procédure juridictionnelle. Cette limitation préserve le noyau dur des droits de la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme. Le législateur assure alors une conciliation équilibrée entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée.
II. La levée proportionnée du secret du conseil pour la répression des fraudes
A. L’inapplicabilité du secret face à la preuve d’infractions financières graves
L’article 56-1-2 prévoit que le secret professionnel du conseil n’est pas opposable pour certaines infractions comme la fraude fiscale ou la corruption. Le législateur a cependant entendu limiter cette saisie aux documents tendant à révéler des manœuvres frauduleuses ou la commission de délits financiers. Cette mesure poursuit les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et de lutte contre la fraude fiscale. L’opposabilité du secret disparaît dès lors que les pièces établissent la preuve de leur utilisation pour commettre ou faciliter lesdites infractions.
B. Le maintien de l’immunité absolue pour les pièces relevant de la défense
Le Conseil constitutionnel souligne enfin que ces dispositions dérogatoires ne s’appliquent jamais aux documents couverts par le secret professionnel de la défense. Cette distinction fondamentale maintient l’immunité totale des échanges liés à l’assistance juridique dans le cadre d’un procès ou d’une sanction. Le bâtonnier conserve la faculté de contester la saisie devant le juge des libertés et de la détention qui statue sous bref délai. L’ordonnance du juge reste susceptible d’un recours suspensif, garantissant l’effectivité de la protection des libertés individuelles de l’avocat et du client.