Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 janvier 2023, une décision importante concernant l’équilibre entre les nécessités de l’enquête pénale et le secret professionnel. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, il examinait la conformité de l’article 56-1 du code de procédure pénale au principe d’impartialité des juridictions.
La Cour de cassation, par un arrêt de la chambre criminelle du 25 octobre 2022, a transmis cette question relative aux modalités de contestation des saisies. Le requérant soutenait que l’intervention du juge des libertés et de la détention lors de la perquisition puis de la contestation portait atteinte à l’impartialité.
Le problème de droit réside dans la possibilité pour un magistrat de statuer sur la régularité d’une opération qu’il a lui-même autorisée ou réalisée. Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions conformes, sous réserve qu’un même juge ne puisse exercer successivement ces deux missions de contrôle et d’exécution.
I. L’affirmation du principe d’impartialité dans le contrôle des saisies
A. L’encadrement des perquisitions chez l’avocat
L’article 56-1 du code de procédure pénale organise un régime protecteur pour les perquisitions effectuées au cabinet ou au domicile d’un avocat. Ces mesures ne peuvent être réalisées que par un magistrat, en présence du bâtonnier, après une décision écrite et motivée du juge compétent.
Le législateur a entendu garantir le libre exercice de la profession tout en préservant le secret professionnel de la défense et du conseil juridique. Le juge des libertés et de la détention intervient alors comme le garant des libertés individuelles face aux prérogatives de puissance publique des agents de l’administration.
B. Le rappel de l’exigence constitutionnelle d’impartialité
Le Conseil constitutionnel fonde son raisonnement sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour protéger les justiciables. Il affirme solennellement que « le principe d’impartialité est indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles » afin de garantir un procès équitable et une justice sereine.
Cette exigence impose que le juge ne puisse avoir de parti pris ou de préjugé sur la cause qu’il est amené à trancher définitivement. L’analyse porte ici sur l’apparence d’impartialité objective du magistrat qui doit statuer sur la validité des saisies opérées lors d’une visite domiciliaire préalable.
II. La conciliation par une réserve d’interprétation directive
A. L’admission d’une dualité fonctionnelle limitée
Le Conseil constitutionnel considère que la seule intervention successive de la même juridiction ne constitue pas nécessairement une violation des principes constitutionnels de séparation. Il précise que « le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une perquisition statue sur la contestation ».
La décision d’autorisation se fonde sur des indices de fraude tandis que le contentieux de la saisie porte sur la nature même des documents appréhendés. Cette distinction de l’objet du litige permet de maintenir la compétence du juge des libertés et de la détention sans fragiliser automatiquement son impartialité objective.
B. L’interdiction de la confusion des rôles décisionnels
L’apport majeur de la décision réside dans la réserve d’interprétation limitant les pouvoirs du magistrat ayant effectivement procédé aux opérations matérielles de saisie contestées. Le Conseil écarte l’interprétation « permettant qu’un même juge des libertés et de la détention effectue une saisie et statue sur sa contestation » sous peine de méconnaître l’impartialité.
Cette solution pragmatique assure que le magistrat chargé de trancher le litige n’ait pas été lui-même l’acteur de l’acte dont la régularité est critiquée. La décision garantit ainsi un recours effectif et impartial tout en préservant l’efficacité des procédures de visite et de saisie en matière fiscale ou pénale.