Le Conseil constitutionnel a rendu, le 10 février 2023, une décision importante relative aux droits des mineurs dans la procédure pénale française. Cette question prioritaire de constitutionnalité interroge la conformité de plusieurs articles du code de procédure pénale et du code de la justice pénale des mineurs. Plusieurs organisations représentatives ont contesté les modalités de placement en détention provisoire des mineurs devant des juridictions pénales de droit commun. Elles critiquaient également la possibilité de procéder à des relevés d’empreintes ou de photographies sous la contrainte lors des enquêtes de police. Le Conseil d’État a transmis cette question au Conseil constitutionnel par une décision du 29 novembre 2022 pour examen de sa conformité. Les requérants soutenaient que ces mesures méconnaissaient le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Ils invoquaient aussi une atteinte disproportionnée aux droits de la défense, à la liberté individuelle ainsi qu’à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le juge constitutionnel a validé le dispositif de détention temporaire sous réserve d’une motivation spéciale mais a censuré partiellement les modalités de l’identification forcée. L’analyse se portera d’abord sur l’encadrement de la détention des mineurs par les juridictions incompétentes avant d’étudier le régime des mesures d’identification coercitives.
I. LE CADRE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE DES MINEURS DEVANT LE JUGE DE DROIT COMMUN
A. L’exigence de sauvegarde de l’ordre public et de la continuité judiciaire
Le tribunal correctionnel peut constater la minorité d’un prévenu lors d’une présentation en comparution immédiate ou en comparution à délai différé. L’article 397-2-1 du code de procédure pénale impose alors le renvoi immédiat du dossier au procureur de la République pour une saisine spécialisée. La juridiction de droit commun doit toutefois statuer sur le maintien en détention pour garantir la présentation effective de l’intéressé devant un juge compétent. Cette mesure exceptionnelle vise à « garantir le maintien du mineur à la disposition de la justice » dans l’attente d’une prise en charge adaptée. Le législateur poursuit ainsi un objectif de valeur constitutionnelle lié à la sauvegarde de l’ordre public et à la recherche des auteurs d’infractions. Cette compétence temporaire des juges pour adultes s’inscrit dans une nécessité de continuité de l’action publique lors des phases de traitement urgent.
B. Les garanties procédurales entourant la privation temporaire de liberté
Le Conseil constitutionnel précise que la décision de placement ou de maintien en détention doit être « spécialement motivée » par les magistrats saisis initialement. Le juge doit vérifier que cette privation de liberté « n’excède pas la rigueur nécessaire » au regard de la situation personnelle et des faits reprochés. La durée maximale de cette rétention est strictement fixée à vingt-quatre heures avant la présentation impérative devant une juridiction spécialisée pour les mineurs. Cette limite temporelle permet de concilier les nécessités de la procédure avec l’exigence de rechercher le « relèvement éducatif et moral des enfants délinquants ». Le mineur est d’office remis en liberté si ce délai de présentation n’est pas scrupuleusement respecté par les autorités judiciaires compétentes. Ces garanties assurent le respect du principe fondamental reconnu par les lois de la République tout en permettant le fonctionnement de la justice.
La protection du mineur contre une détention injustifiée s’accompagne d’un encadrement rigoureux des méthodes d’identification physique utilisées lors des enquêtes de police judiciaire.
II. LA VALIDATION CONDITIONNELLE DES MESURES D’IDENTIFICATION COERCITIVES
A. L’inconstitutionnalité du recours à la contrainte lors de l’audition libre
L’article 55-1 du code de procédure pénale permettait initialement de recourir à la contrainte pour identifier une personne lors d’une simple audition libre. Le Conseil constitutionnel juge cette disposition contraire à la Constitution car elle méconnaît gravement les garanties essentielles dues aux droits de la défense. Le régime de l’audition libre exige impérativement que l’intéressé puisse quitter les locaux de police à tout moment et sans aucune pression physique. L’usage de la force pour obtenir des empreintes ou des photographies est donc totalement exclu lorsque la personne n’est pas placée en garde à vue. Cette censure préserve l’équilibre constitutionnel entre les prérogatives des officiers de police judiciaire et la protection fondamentale de la liberté individuelle des citoyens. Le législateur ne peut imposer une contrainte physique à une personne qui est censée comparaître librement devant les services de l’autorité publique.
B. Le renforcement de la protection du mineur par la présence d’un conseil
La réalisation de prélèvements forcés sur un mineur suspecté d’une infraction grave est soumise par le juge constitutionnel à des conditions procédurales très strictes. L’autorisation écrite et motivée du procureur de la République est indispensable pour légitimer cette opération technique portant atteinte à l’intégrité de la personne. Le Conseil constitutionnel émet une réserve de constitutionnalité impérative concernant la présence effective de l’avocat ou des représentants légaux lors de l’opération. Ces prélèvements ne sauraient être effectués « hors la présence de son avocat, des représentants légaux ou de l’adulte approprié » pour être valables. Cette exigence renforce la protection de la vulnérabilité particulière du mineur tout en autorisant l’identification nécessaire à la manifestation de la vérité. La décision garantit ainsi que la contrainte exercée par l’État reste strictement proportionnée aux nécessités de l’enquête criminelle et aux droits fondamentaux.